QU'EST-CE QUE LE SPIRITISME?
A/ Définition et origines
Jean-Yves, il y a un feu en ton âme...
Qu'est-ce que ce feu?
C'est le feu... de la poursuite de ce qui te dépasse!
Ce feu appelle la soif;
et cette soif de l'âme est en vérité la soif de Dieu:
"Comme languit une biche
après l'eau vive,
ainsi languit mon âme
vers toi, mon Dieu.
Mon âme a soif de Dieu,
du Dieu de vie;
quand irai-je voir
la face de Dieu?"
(Psaume 42)Mais en nos vies, aujourd'hui, il y a un manque d'au-delà.
A quelle source irons-nous boire?
Les puits semblent asséchés...
Tu as choisi le spiritisme pour étancher ta soif de mystère. Seras-tu désaltéré par la pratique du spiritisme? Ton âme y trouvera-t-elle le bonheur?
Là est la question.
Voyons donc, maintenant, ce que le spiritisme nous donne à boire.
Qu'est-ce donc que le spiritisme que tu pratiquas ou que tu pratiques encore?
Le spiritisme peut se définir comme une croyance aux esprits; croyance à partir de laquelle on envisage la possibilité d'établir une communication avec eux. Cette communication a pour but d'évoquer ces esprits en vue d'obtenir d'eux des révélations de tous ordres, particulièrement sur l'avenir.
D'un point de vue historique, le spiritisme apparaît comme une forme moderne de la nécromancie, science occulte qui prétendait, elle aussi, évoquer les esprits des morts, et qui semble remonter à la plus haute antiquité. "Je t'en prie, fais moi dire l'avenir par un revenant, et évoque pour moi celui que je te dirai", demanda Saül à la nécromancienne d'En-Dor" (Premier Livre de Samuel, 28.8). En allant visiter la nécromancienne d'En-Dor, le roi Saül transgressa la Loi d'Israël: "Celui qui s'adressera aux esprits et aux devins pour se prostituer à leur suite, je me tournerai contre cet homme et je le retrancherai du milieu de mon peuple" (Lévitique, 20.6). Saül mourut peu de temps après sa consultation à En-Dor, lui le roi infidèle qui, au lieu de garder la Loi du Seigneur vivante dans le cœur de Son peuple, la transgressa au premier chef.
Si Saül fut obligé de sortir du territoire d'Israël pour consulter la nécromancienne (En-Dor n'est pas en Israël), c'est que tous les magiciens et devins avaient été chassés du royaume d'Israël. Celui ou celle qui pratiquait la nécromancie ou la divination encourait alors la peine de mort: "L'homme ou la femme qui parmi vous serait nécromant ou devin: ils seront mis à mort, on les lapidera, leur sang retombera sur eux" (Lévitique, 20.27). D'une manière plus générale, on peut lire en Exode, 22.17: "tu ne laisseras pas en vie la magicienne". Un résumé de la Loi d'Israël sur la question des pratiques occultes et maléfiques est donné en Deutéronome, 18. 10-12: "On ne trouvera chez toi personne qui fasse passer au feu son fils ou sa fille, qui pratique divination, incantation, mantique ou magie, personne qui use de charmes, qui interroge les spectres ou les esprits, qui invoque les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination au Seigneur ton Dieu".
En ce qui concerne le spiritisme, tel que nous le connaissons et tel que tu l'as pratiqué, c'est au milieu du XIX° siècle qu'il convient d'en rechercher l'inspiration. Son berceau fut en effet l'Amérique, dans une maison du petit village d'Hydesville (comté de Wayne - État de New-York): en 1847, des bruits insolites se firent entendre dans une maison et furent interprétés, selon ce qu'en rapporta la famille Fox, qui habitait la demeure en question à ce moment là, comme étant causés par des esprits. La fille aînée du Dr John Fox s'avisa alors de frapper dans ses mains, en invitant les bruits à lui répondre... Les deux filles du Docteur Fox, Kate et Margaret, âgées de quinze et douze ans lors des événements de 1847, avaient surnommé l'esprit frappeur avec lequel elles communiquaient, "Mister Splitfoot", ce que l'on traduit en français par "Monsieur Pieds-fourchus". Ce curieux surnom évoque comme une image du diable! Que faut-il en penser? Affaire à suivre...
Le spiritisme moderne est né autour de cette rencontre ponctuée par des bruits. Les bruits en cause eurent un fort retentissement, et leur écho se répercuta au rythme des rendez-vous autour des tables des cercles spirites - qui connurent dès lors une propagation pestilentielle. Bref, en peu de temps, le syndrome des bruits étranges entendus à Hydesville connut une résonance maladive, plus amplifiée dans "l'esprit" du public, que celle décrite par Edgar Poe, quelques années plus tôt, dans son histoire fantastique La chute de la maison Usher. Il est intéressant de se remémorer ici l'histoire de La chute de la maison Usher, éditée en septembre 1839. Cette nouvelle fantastique d'Allan Edgar Poe raconte la déchéance physique et morale d'un homme, Usher, qui, vivant reclus dans une demeure ancienne et cultivant un goût prononcé pour les lectures macabres, va sombrer dans la folie.
Usher a déposé le cadavre de sa sœur, morte depuis peu, dans la crypte de leur maison. Une obsession va prendre Usher: il entend des bruits de martèlements (on retrouve ici le phénomène d'Hydesville). Usher est alors persuadé que sa sœur n'est pas morte comme il le croyait et qu'elle frappe contre le couvercle de son cercueil, réclamant d'en sortir. Usher n'ose pas aller vérifier une Si horrible éventualité et finit par mourir d'effroi en s'imaginant apercevoir le spectre de sa sœur faire irruption devant lui.
On trouve à travers ce récit fantastique la description évolutive de la pathologie d'un homme épris de lubies d'outre-tombe.
Le livre d'Edgar Poe a-t-il eu une influence sur les événements d'Hydesville? Une étude plus poussée pourrait peut-être le démontrer. L'œuvre de H.P. Lovecraft, disciple de Poe, serait également à étudier dans cette veine des phénomènes insolites qui frappèrent alors les Etats-Unis d'Amérique.
Le spiritisme comptait ainsi, en 1853, plusieurs centaines de milliers d'adeptes dans tout le pays, où il fut propagé par l'intermédiaire de deux sectes: celle des Quakers et l'Hermetic Brotherhood of Luxor. La secte des quakers prit activement part à la diffusion du spiritisme aux États-Unis. Ce fut en effet un quaker du nom d'Isaac Post qui s'avisa de faire désigner par les esprits, les lettres de l'alphabet d'après un certain nombre de coups; cette formulation est connue sous la désignation de "spiritual telegraph" (l'invention du télégraphe remonte en effet à cet époque). Ce fut également à un quaker, George Willet, que la famille Fox dut de ne pas être massacrée par la population de Rochester, où elle était venue s'établir après avoir été chassée d'Hydesville.
Y a-t-il une explication à l'engagement des quakers en faveur de la famille Fox et de la diffusion du spiritisme?
Oui, et la première évidence du soutien apporté par les quakers à la famille Fox touche à la personne même du fondateur du quakerisme. La secte des quakers fut en effet fondée au XVII° siècle par un dénommé George FOX!!! De plus, les quakers soutiennent la croyance en l'illumination individuelle sous l'impulsion de l"'Esprit". Que l'affaire d'Hydesville soit apparue aux yeux des quakers comme une parfaite illustration de leur propre expérience de l"'Esprit", le nom de Fox, et plus encore leur pratique du culte en assemblée, le confirment.
Ainsi, à l'analyse, les assemblées de culte quakers apparaissent déjà comme des séances de spiritisme avant la lettre. Durant les assemblées, les quakers se retrouvent dans une maison de réunion, assis en cercle autour d'une table, chaque membre présent tenant la main de ses deux voisins immédiats. Un long temps de silence préparatoire prélude à l'éclosion de ce qui est appelé le "tremblement". A cet instant précis, le quaker contacté par l"'Esprit", esquisse des grimaces, lâche des soupirs et finit par se mettre à trembler, puis il prend la parole. Ce "tremblement" a donné leur nom aux quakers (en anglais to quake veut dire trembler). L'analogie avec le phénomène des tables tournantes est flagrante, comme nous le verrons par la suite.
Mais c'est surtout sur le fond du contenu des paroles prononcées, tant par le quaker sous l'impulsion de l'"Esprit" lors du culte en assemblée, que par l'esprit convoqué lors des séances de tables tournantes, que le quakerisme et le spiritisme sont le plus proche. Bien avant l'affaire de Hydesville, chez les quakers, on évoquait déjà l'esprit des morts
Lors d'assemblées réunies spécialement à cet effet, les quakers élaborent, selon ce qu'ils ressentent alors de l'influence du défunt, un dialogue post-mortem tout au long duquel on découvre la vraie personnalité du disparu. On découvre ainsi ce que le défunt a fait durant sa vie et qui était jusqu'alors resté inconnu des autres quakers. Le plus souvent, ce qu'il en ressort semble inattendu et devient vite émouvant à ce que les témoins en rapportent.
A ce stade, tout comme le spiritisme, le quakerisme est une forme de nécromancie (c'est à dire d'évocation des esprits des morts).
Nous avons jusqu'alors parlé des États Unis d'Amérique mais il faut savoir que le spiritisme devait rapidement franchir l'Atlantique... En France, c'est la secte des francs-maçons qui se chargea de la diffusion du spiritisme. Il arriva même qu'un dénommé Hippolyte-Léon-Denizard RIVAIL, plus connu sous le pseudonyme d'Allan KARDEC, s'en fit le théoricien. Rivail et son disciple Léon Denis étaient francs-maçons; de fait, l'intérêt de la franc-maçonnerie pour l'évocation des esprits et leurs communications remonte au XVIII° siècle, avec des gens comme Martinez Paschalis et Willermoz.
Rivail écrivit donc de nombreux ouvrages destinés à répandre en France les doctrines spirites: Instructions Pratiques sur les manifestations spirites (1856), Le Livre des Esprits (1857), Le Livre des médiums (1857), L'imitation de l'Évangile selon le spiritisme (1864), etc. On y trouve toute la théorie sur les manifestations spirites, qu'il conviendra d'étudier attentivement par la suite. On peut déjà constater que le dernier titre cité est caractéristique en ce sens de la volonté de l'auteur de détourner le contenu biblique. Son intention était de fonder une nouvelle science des Écritures Saintes, qui, il va sans dire, n'a plus grand chose à voir avec la Révélation du Mystère Chrétien.
Après cette parenthèse, sur laquelle nous reviendrons, et pour en arriver à proprement parler à la pratique du spiritisme, il faut noter que le mode de prise de contact s'effectuait alors par typtologie (du grec tuptein: "frapper"): "On interrogeait les esprits par typtologie, c'est à dire en convenant avec eux soit de la valeur alphabétique, soit de la signification conventionnelle des coups frappés par la table". (Anatole France, La vie en fleur, XXIX, -1923-).
Aujourd'hui, il semble, par manque réel de moyens, étant donné la grande part d'improvisation à l'origine des séances, qu'on ait abandonné le folklorique guéridon et que le rituel ait perdu de ses convenances forgées autour de la fréquentation des cercles privés pratiquant l'occultisme à la fin du XIX° siècle. Nous parlons donc ici d'un "spiritisme de pauvres" quant au matériel mis en place. Pour ce qui est de l'atmosphère, le dandy aura certainement un goût plus raffiné de la mise en scène que le hardos. Cela dit, cela revient au même: le dandy et le hardos recherchent, dans les deux cas, le contact avec le monde de l'irrationnel dont, pensent-ils, le frisson inespéré les arrachera peut-être à leur ennuyeux quotidien?
On peut, néanmoins, dresser une liste du minimum de matériel nécessaire, comme suit: une table (en bois de préférence au dire des spécialistes), un verre (en cristal pour les puristes), un jeu de lettres à disposer en cercle sur la table autour du verre (des jetons de scrabble font le plus souvent l'affaire) et une bougie (pour l'ambiance, comme il se doit!). On peut alors commencer: "esprit es-tu là?"... Sur le verre - placé au centre de la table - se concentre le doigt d'une main de chaque participant apprenti-spirite ainsi que leurs regards avides d'identifier les lettres désignées qui, bientôt formées en mots, révéleront la teneur du message transmis par l'esprit présent. L'esprit se manifeste, à ce qu'on en dit, dans l'espace circonscrit du verre retourné contre la surface de la table. J'en fournis pour preuve la déclaration que m'en fit une jeune fille nommée Isabelle: elle m'affirmait qu'au cas où la séance tournerait mal (qu'est-ce que cela veut dire?!), il suffisait de retourner le verre et de le briser net... Le mauvais esprit étant immédiatement expulsé et le contact définitivement rompu. "Le mauvais esprit", est-ce à dire qu'il y en aurait "également" des bons? Tout cela réclame des éclaircissements.
B/ Analyse du phénomène
Revenons un peu en arrière. Avant de dire comme Isabelle qu'il s'agit d'esprits, voyons si d'autres solutions sont envisageables pour rendre compte du phénomène de déplacement du verre dans la pratique du spiritisme.
Quelle explication, ou tout au moins, quelle amorce d'explication peut-on donner au phénomène spirite de déplacement d'objets?
Lorsque l'on parle d'objets qui s'animent, il s'agit:
1/ soit de la table qui bouge et frappe des coups à l'aide de ses pieds (ancien procédé des tables tournantes avec communications typtologiques).
2/ soit du verre qui se déplace et désigne les lettres placées sur une table, qui elle, reste fixe (technique employée dans la pratique actuelle du spiritisme).
Dans les deux cas, il faut le rappeler, les participants à la séance de spiritisme appliquent leurs doigts contre l'objet, susceptible de s'"animer" tout seul.
Plus d'un remarquera dès ici la faiblesse de l'énoncé qui consiste à dire qu'un objet va se mouvoir tout seul alors qu'on exerce sur lui une pression à l'aide des doigts! La réponse au phénomène spirite de déplacement d'objets est-elle aussi triviale que cela? Une vulgaire mainmise humaine sur l'ensemble du procédé peut-elle expliquer à elle seule toute l'activité issue du spiritisme?
Ce serait pour une part faire des apprenti-spirites des tricheurs et pour l'autre des gens crédules et stupides.
S'il y a certes eu de nombreux charlatans et de nombreuses malversations bassement humaines, tout ce qui relève du spiritisme doit-il être tenu pour nul et insipide de bêtise?
Les apprenti-spirites sont-ils aussi dupes que cela?
Ils recherchent, comme nous l'avons déjà mentionné, le contact avec le monde de l'irrationnel. Emotionnellement, la chose doit se préparer et trouver le moment favorable et les moyens adéquats pour se produire. Surtout, le mystère doit être entretenu…
Cependant, si d'entrée le verre se mettait effectivement à bouger tout seul, quel rapport les apprenti-spirites entretiendraient-ils encore avec le phénomène? La question n'est pas sans importance: de fait, la séance en cause trouverait dès le départ son terme final. De plus, l'adhésion au phénomène serait instantanément rompue parce que le phénomène est naturellement insoutenable sous cette forme pour la raison humaine, qui répugnerait trop à l'admettre comme tel. Psychologiquement et intellectuellement, les participants seraient immédiatement sur la défensive, ce qui va à l'encontre d'une nécessaire adaptation passive et progressive au phénomène devant se produire. On peut donc en conclure que les apprenti-spirites sont volontairement dupes! Ce qui en fait décidément de drôles de dupes.
Aussi, lors d'une séance, chaque participant porte-t-il un doigt de l'une de ses mains sur le verre, et ce comme s'il voulait étouffer le "miracle" et suggérer le doute. La raison, même au départ d'une expérience se voulant irrationnelle, a besoin d'être rassurée.
Cependant, comme l'on désire quelque chose qui doit échapper à la raison, une contradiction s'établit pour mettre la raison en défaut le temps de la séance, afin que son jugement ne s'exerce plus: on a à la fois peur que la chose se produise tout comme l'on craint qu'elle ne se produise pas! Le goût et le refus de l'étrange se mêlent et finissent par être interchangeables. Cette contradiction est très révélatrice en particulier du comportement des participants débutants. Elle leur permet tout à la fois d'initier le phénomène et de s'initier eux-mêmes au phénomène.
Par exemple, lors d'une séance, au moment où il désire poser une question, le participant qui interroge le verre, enlève son doigt du verre, se dégageant semble-t-il de toute possibilité apparente d'influencer la réponse du verre. Les autres maintiennent leurs doigts en position. Pourquoi une telle précaution? Douterait-on de l'origine des réponses? Craindrait-on une manigance de la part de celui qui pose une question? A l'évidence, le doute est entretenu et joue un rôle prépondérant dans la perception du phénomène: il attise la curiosité et l'attente, de même qu'il empêche la raison d'entrer en confrontation directe avec les manifestations produites par le verre.
L'objectivité physique du phénomène est comme niée et elle s'efface devant l'émotion qui seule est recherchée. Tout semble mis en place pour éviter le sursaut de l'intelligence par l'exercice de la raison. "Mais à quoi au juste le phénomène se rapporte-t-il? Qu'est-ce qui se passe en réalité?". Jamais lors d'une séance ces questions n'ont vu le jour chez les participants. Les apprenti-spirites sont complètement absorbés par leur activité.
Voilà déjà beaucoup de choses de dites mais en fin de compte très peu sur l'origine même du phénomène spirite de déplacement du verre.
Ce phénomène spirite existe-t-il? l'Abbé Louis BAUTAIN qui de son temps assista à de nombreuses séances l'affirme: "J'ai vu, j'ai entendu, j'ai touché, palpé, et me suis assuré par tous les moyens possibles qu'il n'y avait ni tromperie ni illusion; je ne puis donc plus douter de la réalité de ces phénomènes. Ainsi je crois maintenant, non plus seulement que cela est possible, mais que cela est... J'ai été surpris de ces phénomènes, parce qu'ils étaient nouveaux pour moi; mais ils ne m'ont inspiré ni crainte ni enthousiasme. Ils m'ont laissé calme et froid, par conséquent dans la meilleure disposition pour les apprécier. D'ailleurs, je ne suis plus jeune, et j'ai déjà vu tant de choses singulières dans ma vie, que je ne suis pas facilement ému ni troublé" (Abbé Louis Eugène Marie BAUTAIN, Avis aux chrétiens sur les tables tournantes et parlantes, par un ecclésiastique, Ch.I, -1853-).
Mais quelle peut donc être l'origine du phénomène spirite?
1/ Origine matérielle?
- origine matérielle extérieure à l'homme la/?
- ou propre à l'homme lui-même 1b/?
2/ Origine spirituelle?
- origine spirituelle spécifique à l'homme par le pouvoir de son âme 2a/?
- ou bien d'origine spirituelle extérieure et étrangère à l'activité de l'âme humaine 2b/?
Voyons cela dans le détail:
L'hypothèse 1a/ est la plus aisément réfutable. Un objet inerte n'a jamais bougé sans qu'on l'y entraîne en exerçant sur lui une force propre à susciter un mouvement. Les objets inertes ne sont ni vivants ni pensants. Une table, serait-ce un guéridon, ne parle pas, même en tapant du pied! Affirmer le contraire en disant que les objets ont une vie sensible et soucieuse d'exprimer des pensées, reviendrait à remettre en cause toutes les lois de la nature et à rejeter tous les progrès et toutes les avancées de la science dans la connaissance et la maîtrise de notre environnement.
L'hypothèse 1b/ est celle de tout un courant de pensée para-scientifique se réclamant des sciences métapsychiques. Il existerait des forces, des énergies en l'homme encore largement inconnues et à coup sûr inexploitées. Que ce soit par un magnétisme latent, par un fluide impalpable ou par toutes autres sortes d'énergies vitales pouvant se répandre à partir de son corps, l'homme serait donc capable de déplacer à distance les objets (télékinésie). C'est perceptiblement chez certaines personnes un vieux rêve aux instincts de puissance mal dissimulés. La psychanalyse s'attarderait sans doute longtemps sur les désirs de puissance des hommes et sur leurs fantasmes démiurgiques. Une telle analyse sort évidemment de la compétence de cette étude.
De leur côté, les sciences expérimentales ne s'attardent guère sur le phénomène de la télékinésie, car il ne constitue pas un véritable phénomène observable dans la nature et reproductible en laboratoire à partir de données identiques et identifiables. Sur cette question de la télékinésie, la science ne peut ici nous départager. Elle la rejette comme étant nulle parce que la télékinésie n'a pas de base scientifique sérieuse.
Voyons ce que la philosophie, quant à elle, peut nous en dire: Platon comme Aristote, pour ne citer qu'eux, nous parlent de l'existence de l'âme qui constitue l'essence de l'homme.
Cette âme humaine a-t-elle des pouvoirs sur la matière?
Mais en posant cette question (qui suppose l'existence de l'âme) nous passons de fait à l'hypothèse 2a/, à savoir: existe-t-il dans le phénomène spirite la marque d'une activité spirituelle spécifique à l'homme?
Il va falloir, dans un premier temps, dire quelques mots au sujet de l'âme. Nous entrons ici dans le domaine de la croyance, de la foi. Qu'est-ce que l'âme? Unanimement ou presque (car il y en a toujours pour ne pas croire aux choses les plus simplement merveilleuses), l'âme est l'identité spirituelle de l'homme. Elle est immatérielle et simple. L'âme ne peut pas mourir et elle survit donc dans l'au-delà après la séparation d'avec le corps qui l'abritait. "L'immortalité de l'âme découle de sa nature, c'est à dire de la double propriété qu'elle a d'être simple et spirituelle. - Étant simple non composée de parties, elle ne peut pas périr par décomposition à la manière des corps matériels, dont la mort consiste précisément dans la dissolution des éléments qui les composent. - Etant spirituelle, ne dépendant pas essentiellement du corps, elle ne saurait être entraînée dans la destruction de celui-ci, vu qu'elle a tout ce qui lui faut pour pouvoir lui survivre" (Abbé A. BOULENGER, Manuel d'apologétique -1920).
Cela étant posé, voyons dans quelle mesure l'âme peut intervenir sur la matière?
C'est là qu'il faut dire que l'âme peut beaucoup sur l'activité du corps qu'elle habite mais qu'extérieurement à lui, dans l'ordre matériel, elle ne peut plus rien sans lui! En effet, "l'âme humaine occupe le plus bas degré dans l'ordre des substances spirituelles, aussi elle n'a pas le pouvoir de mouvoir un corps, à moins qu'il ne lui soit proportionné en étant vivifié par elle" (SAINT THOMAS DAQUIN, De Malo, question XVI, article 10, solution 2, XIIIème siècle-). Ce qui est le cas avec notre propre corps; notre âme par l'acte de la volonté meut notre corps; mais cela est tout à fait naturel. On ne s'étonne pas de voir quelqu'un marcher, et lorsque nous marchons nous-mêmes, la chose nous est si naturelle que nous ne l'interrogeons plus. Cependant, l'action directe de l'âme sur toute matière extérieure au corps est impossible.
Cette action directe de l'âme aurait pu être représentée, par exemple, par ce que nous appelons la télékinésie. Dans le cadre du spiritisme, la possibilité d'un déplacement des objets à distance avec l'unique intervention de la pensée humaine, aurait permis d'expliquer facilement les phénomènes produits lors des séances. Malheureusement pour cette hypothèse, l'âme humaine pour agir dans l'ordre matériel de notre monde a besoin de l'aide du corps et ne peut donc passer outre les lois de la nature.
La possibilité de la télékinésie étant invalidée, vérifions maintenant la pertinence de la dernière hypothèse restante (2b/).
L'hypothèse 2b/ nous renvoie à la croyance en l'existence d'êtres spirituels extérieurs et étrangers à l'homme, que nous appellerons dans un premier temps pour plus de commodité: ESPRITS. Des esprits non-humains seraient ainsi susceptibles d'intervenir dans les phénomènes spirites. Ce n'est pas la une mince affaire que de poser leur existence. Le croyant, quant à lui, l'affirme: "Nous devons donc conclure, [...], que, toutes les fois que les tables se meuvent ou parlent, comme ce sont des objets matériels, et que la matière pure n'a point la puissance du mouvement propre, et encore moins celle de la parole, qui suppose celle de la raison, sous, derrière ou dans les tables, il y a quelqu'un capable de vouloir, de penser et de parler, c'est à dire un ESPRIT ou des ESPRITS" (Abbé L. BAUTAIN Avis aux chrétiens sur les tables tournantes et parlantes Ch. Il, -1853-).
Deux questions nous occuperons maintenant à la suite de l'affirmation de l'existence d'ESPRITS:
- La première consistera à savoir si ces esprits sont bons ou mauvais? Ce qui paraît pour le moins important et préoccupant dans le cas où ils seraient mauvais.
- La seconde question portera sur le point suivant: ces mêmes esprits peuvent-ils agir sur la matière en déplaçant des objets inanimés tel qu'un verre par exemple?
1/ Tout d'abord, les esprits contactés lors des séances sont-ils bons?
Pour répondre à cette question, je laisserai aimablement la parole à l'Abbé BAUTAIN: "Les esprits qui parlent par les tables sont-ils bons ou mauvais? D'après ce que j'ai vu et entendu, je réponds avec assurance que ce ne sont pas de bons esprits, c'est à dire des ministres de la volonté de Dieu. Je n'en veux qu'une preuve, et pour moi elle est décisive: c'est qu'ils refusent de répondre nettement en ce qui concerne Notre Seigneur Jésus-Christ; et quand on veut les y contraindre en insistant avec une parole impérieuse, les tables résistent, se dressent, s'agitent, se renversent quelquefois et se jettent à terre en échappant aux mains qui les touchent. J'ai vu ces choses plusieurs fois, et toujours les tables m'ont paru hésitantes, embarrassées et de mauvaise volonté, quand on leur faisait des questions de ce genre ou devant des objets sacrés" (Avis aux chrétiens sur les tables tournantes et parlantes, Ch. IV).
Que rajouter de plus? En tout cas, le catholique que je m'efforce d'être, est convaincu de la malice et de la malveillance des esprits contactés par la pratique du spiritisme. J'en profite ici pour rappeler que les mauvais esprits sont plus communément appelés dans toutes les religions des démons.
2/ "Les démons peuvent-ils déplacer les corps?"
C'est ainsi que Saint Thomas d'Aquin, théologien catholique du XIIIème siècle, intitule l'article 10 de la question XVI de son ouvrage le De Malo, qui comme son titre l'indique, traite du problème du mal.
Nous étudierons Cet article 10, et ce en rapport avec les difficultés d'interprétation liées aux manipulations du verre dans la pratique spirite précédemment décrite (celle où les participants posent chacun un doigt sur le verre).
Voyons donc dans quelle mesure un mouvement peut-il être causé? "Le mouvement local est plus parfait (c'est à dire plus distinctement visible et plus facilement réalisable) en raison de la perfection du mobile, (dans notre cas le verre, surtout s'il est en cristal et en contact avec une surface réduite et lisse) en qui se produit à cause de lui une très faible variation" (De Malo Q.XVI, a. 10, solution 1). Grâce au contact très limité des lèvres du verre retourné contre une table vernie, par exemple, le verre peut ainsi, à la moindre vibration, se déplacer en glissant. Lors des séances de spiritisme, le verre bouge progressivement par la répétition presque imperceptible de petits mouvements limités. Ce qui ne veut pas dire que le verre se déplace très lentement mais, au contraire, que c'est par l'accumulation de très nombreux petits mouvements très réduits que s'opère un large déplacement. Le démon contrôle en cette situation chacun des moindres mouvements opératoires de la chaîne pouvant produire un déplacement. En fin de course, on a obtenu un axe de direction assez nettement marqué pour être décelé et accompagné. Le libre consentement des apprenti-spirites, traduit musculairement, est nécessaire au démon pour déplacer le verre. Il faut préciser qu' "entre le démon et le corps (le verre), il n'y a pas de contact corporel mais virtuel (c'est à dire potentiel, qui n'existe qu'en puissance seulement) qui réclame cependant une convenance de proportion entre le moteur (représenté sous la forme invisible d'un démon) et le mobile (le verre infesté par le démon)" (De Malo, Q.XVI, a. 10, solution 3). Mais qu'est-ce que cela veut dire qu'un contact ou un mouvement n'existe qu'en puissance? Définissons donc le terme puissance: "On entend par puissance la possibilité de recevoir ou d'acquérir une qualité et acte la possession même de cette qualité. Par exemple, l'eau froide est en puissance par rapport à la chaleur, elle peut devenir chaude mais elle ne l'est pas. Quand elle est chaude on dit qu'elle est en acte. Mais pour passer du froid au chaud, il faut l'action du feu qui possède la chaleur et qui est lui-même en acte" (Abbé BOULENGER, Manuel d'apologétique). Traduisons cela dans le cadre du spiritisme: le déplacement dépend de la coordination et de l'accumulation de mouvements limités, induits par le démon en des séquences imperceptibles, que traduisent les apprenti-spirites en apportant leur participation physique au mouvement (en l'actualisant). On peut dire du mouvement en puissance, que les apprenti-spirites l'actualisent (le transforment en acte).
Les dispositions matérielles précédemment décrites (table, verre et doigts des mains sur ce dernier) sont désormais explicables. En plus de leur formulation rituelle, elles entretiennent avec l' "alien" un rapport d'ordre pratique.
Voyons cela avec la solution 5, a.10, Q.XVI: "Les mouvements naturels des corps inférieurs dépendent des mouvements des corps célestes et sont causés par eux". Il s'agit là des lois de la nature que nos sciences physiques et biologiques actuelles expliquent scrupuleusement et remettent à jour au fur et à mesure des découvertes. Par exemple, on sait que le soleil (corps céleste) donne à la croissance des plantes sa lumière (photosynthèse) et qu'il régule le rythme des marées (grandes marées d'équinoxe). Et de ce jeu très complexe des influences des corps célestes, on tire la loi d'attraction universelle des astres et celles de leurs mouvements réciproques les uns par rapport aux autres (la terre tourne autour du soleil, qui lui-même est en mouvement dans la galaxie...). La terre, qui est un corps céleste en rotation sur lui-même, nous fournit l'eau, l'air et les éléments minéraux qui lui sont attachés et grâce auxquels les formes vivantes peuvent exister et subsister.
"Cependant, d'autres causes peuvent produire certains mouvements dans les corps inférieurs, par exemple l'homme lui-même par sa volonté (à l'aide de ses membres et en particulier du plus perfectionné instrument de préhension, la main, et en prolongement de cette main de tous les outils et de toutes les machines qu'il imagine et réalise) et pour la même raison, le démon", bien qu'il n'ait pas de corps - "un esprit n'a ni chair ni os" (Saint Luc, 24.39) - et que son contact avec les corps ne soit qu'un contact virtuel, en puissance seulement, c'est à dire limité à la possibilité que l'homme lui en fournira.
Malgré cela, "cependant, la disposition des corps qui les rend capables de recevoir un tel mouvement dépend d'une certaine façon d'un corps céleste". Par exemple, Si je lance une pièce en l'air, je lui imprime un mouvement qui la propulse vers le haut; au bout d'un moment elle heurtera un mur de potentiel, à partir duquel elle amorcera une chute. Je peux à ce moment précis intervenir, et contrarier son mouvement naturel de descente, en repoussant du plat de la main la pièce vers le haut. Je ne peux cependant pas éliminer la loi d'attraction vers le sol (la pesanteur) que subit la pièce, et ce même si je n'arrête pas de faire jongler la pièce en l'air. L'exercice réclame de la concentration et des réflexes musculaires, donc de l'énergie, qui finit toujours momentanément par manquer et la pièce tombe par terre! Aussi, "rien empêche de dire que les corps (le verre dans le cas du spiritisme) qui sont mus localement par les démons sont mus par violence, comme quand ils sont mus par les hommes" (De Malo, Q.XVI, a.10, solution 7). C'est pourquoi la violence dont usent les démons pour mouvoir le verre a besoin d'être aidée (doigts sur le verre); et cette violence, en tant qu'elle a pour vecteur l'action humaine, finit par rompre face à l'opposition des forces naturelles (frottement sur la table / résistance de l'air / pesanteur / fatigue musculaire des participants...). A ce titre, je peux même confirmer avoir connu une personne pratiquant assidûment le spiritisme qui, à force de maintenir en position tendue sa main sur le verre, avait finit par contracter une tendinite du poignet!
Pour conclure, on peut dire qu'il est possible au démon d'informer subrepticement l'âme humaine sur la direction que doit prendre le verre. Dans le cas du spiritisme, le démon agit sur la matière par l'intermédiaire de l'homme, car l'homme dans la plénitude de son être est corps et âme. Le démon influence l'âme humaine qui ordonne à son tour au corps d'agir sur la matière. Ainsi s'établit le lien d'action entre le démon et la matière par le média (l'intermédiaire) de l'homme, chez qui seul se rencontrent réunies la dimension matérielle (le corps) et la dimension spirituelle (l'âme).
Au sujet du doigt que les participants posent sur le verre, il est à noter qu'ils aident effectivement (suivant l'impression qu'ils en ressentent) le verre à se diriger dans la direction voulue par le démon. Le mouvement est induit plus qu'il n'est provoqué par l'esprit mauvais tandis que les participants le traduisent à l'aide d'une impulsion de leurs doigts.
Il y a là une troublante subtilité, qui n'est pas sans équivoque et que masque la triste réalité du phénomène. Il est souvent dit que le verre est poussé par l'un ou l'autre des participants. Ce qui est exact! Mais il ne faudrait surtout pas en conclure qu'il ne se passe rien. Le démon est assez "malin" pour maquiller ses forfaits une fois ceux-ci perpétrés. Aussi à la fin d'une partie de spiritisme, les participants restent-ils comme sur leur faim, intrigués mais non satisfaits, en un "maux": troublés.
Car le fond du diable c'est le trouble: "quand il dit ses mensonges, il les tire de son propre fond, parce qu'il est menteur et père du mensonge" (Saint Jean, 8.44).
On se rend bien compte que le pouvoir des esprits mauvais sur la matière est plus que limité; seulement, leur influence (si on cherche par le biais du spiritisme à recueillir et à déchiffrer leurs mensonges) est terriblement perverse et particulièrement dangereuse pour la santé mentale.
On peut déjà entrevoir ce qu'il y a de malsain:
1/ Invocation: "esprit es-tu là?", on appelle un esprit à venir, ce qui revient à invoquer un démon (suite à quoi, ce qui va être "touché du doigt" sera transcrit en paroles).
2/ Coopération: on aide l'esprit mauvais à mouvoir le verre, d'où un début de coopération.
3/ Interprétation: on traduit ce qui est induit - par la disposition de lettres que désignera le verre en vue de composer des mots, puis des phrases, inspirés par l'esprit mauvais. On se fait donc l'interprète des propos d'un démon!
Mais qui manipule qui? Ce qui est induit est traduit en mouvements et en mots; cependant, celui qui induit peut "induire en erreur", c'est à dire tromper! Car induire c'est inciter, c'est amener à... mais à quoi? C'est ce que nous allons voir derechef .
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