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Sixième enchaînement
(la possession)

Cet enchaînement fait référence à ce qui a été dit des fausses identités et des fausses révélations aux premier et second enchaînements.

Les trois premières parties de ce sixième enchaînement, à savoir, la schizophrénie, la drogue et l'obsession, pourront apparaître dans un premier temps assez distantes de la question du spiritisme, mais elles sont nécessaires à la compréhension de l'examen de ce qu'est réellement la possession.

Quant à la question de la possession, vue sous son aspect de manifestation diabolique patentée, elle a trait à la pratique du spiritisme dans une proportion non négligeable de cas. La chose sera mise en évidence dans la dernière partie de cet enchaînement, intitulée: la possession en tant que telle.

a- la schizophrénie

Jean-Yves, parmi le groupe d'apprenti-satanistes que tu as fréquenté, il y avait Loïc dont on a déjà parlé mais aussi un certain Xavier aux cheveux longs bouclés et qui portait des lunettes de style rétro (V'là des rétro satanas!).

Pourquoi vais-je te parler de Xavier, cette fois? Parce que son comportement tourne autour de la question que pose cet enchaînement: la question de la possession.

Ce dénommé Xavier, Corinne m'a raconté qu'il se prenait pour un... démon! Quant à toi Jean-Yves, Xavier a dû te le dire plus d'une fois.

Bref, examinons la déclaration de Xavier. A cela, il y a cinq explications possibles:

1/ Xavier est réellement un démon

2/ Xavier est devenu un démon

3/ Xavier est possédé

4/ Xavier se fait passer pour un démon auprès de ses copains, question de s'amuser un peu en les effrayant

5/ Xavier se prend pour un démon; il est dérangé: quelque chose ne tourne plus très rond dans sa tête

Voyons cela dans le détail:

1/ Xavier est-il réellement un démon?

La difficulté majeure qui s'oppose à cette assertion est la suivante: les démons n'ont pas de corps! (voir en cela pour plus de précisions la note n° -3-). Or, Xavier, comme tu as pu le constater, a un corps qui lui est propre. Tu lui as serré la main, par exemple, et c'était bel et bien une main faite de chair et d'os.

Au contraire, "Un esprit n'a ni chair ni os" (Saint Luc, 24.39). "Or les démons sont appelés esprits, comme cela ressort de ce texte (Saint Matthieu, 12.43): "lorsqu'un esprit impur est sorti d'un homme, [etc.]" Les démons n'ont donc pas de corps qui leur soient naturellement unis" (Saint Thomas d'Aquin, De Malo, Q.XVI, a. 1).

Ainsi, Xavier n'est il pas un démon. Du reste, ses parents pourraient aisément le confirmer. Cependant qui oserait leur poser une question aussi stupide?

2/ Xavier est-il devenu un démon?

Bien que Xavier ne soit pas un démon, en tant qu'il est un homme avant toute chose, se pourrait-il qu'il soit devenu tout de même un démon?

Ici les objections précédentes restent valables, cependant elles auront besoin d'être complétées par d'autres pour invalider le plus clairement possible cette seconde hypothèse aussi erronée que la première dont elle découle.

Au fait de devenir un démon, il y aurait deux possibilités:

- la première étant qu'un démon l'ait changé en démon à la manière dont, dans les légendes transylvaniennes, la victime d'un vampire devient elle-même un vampire. Mais cela n'existe qu'en tant que folklore fantasmagorique.

- la seconde étant que Xavier se soit réincarné en démon. Mais comme nous l'avons vu au cours du second enchaînement, la réincarnation n'est qu'une farce égocentrique.

Cependant, voyons en quoi ces deux possibilités ineptes ont un enracinement dans nos sociétés:

Dans le premier cas, comme dans le second du reste, des films sont construits autour de cette possibilité.

+ Dans le film Lady Hawk, est raconté l'histoire d'un couple victime d'un sortilège. Ni l'homme ni la femme ne peuvent se rencontrer dans l'union de leurs corps, car au coucher du soleil l'homme se transforme en loup puis redevient homme tandis qu'à ce moment précis la femme se métamorphose en faucon. Cette malédiction, l'homme et la femme la doivent à la folie d'un pacte qu'un évêque jaloux de leur amour, a contracté avec le diable. En échange de l'âme de l'évêque, le diable a lancé le sortilège causant la transformation alternante des deux amants.

Évidemment cela n'est possible qu'au cinéma. En effet: "Les signes et miracles qu'opèrent les magiciens grâce à des pactes privés avec les démons ne dépassent pas l'ordre des causes naturelles [...] " (De Malo, Q.XVI, a.9, solution 11). Quant à la transformation elle-même des corps humains en corps d'animaux, Saint Augustin tempête contre: "Je ne croirais en aucune manière que les démons puissent transformer, par leur puissance ou leurs artifices, je ne dis pas une âme, mais même un corps en figure de bête (c'est à dire en animal ou en monstre)" (De civitate Dei, XVIII, 18). Saint Thomas d'Aquin, de son côté, reprend l'argumentation d'Aristote: "Le Philosophe prouve dans la Métaphysique (VII, 7) que la génération des formes dans la matière ne vient pas des formes immatérielles mais des formes qui sont dans la matière; sur ce passage le Commentateur dit que les substances immatérielles ne peuvent pas transformer la matière quant à la forme. Or les démons sont des substances immatérielles. Donc, il semblent qu'ils ne puissent transformer formellement les corps" (De Malo, Q.XVI, a. 9). Ouf, on a eu chaud aux plumes!

+ Quant aux films de vampires où l'on voit hommes et femmes se faire vampiriser, on ne les compte même plus (à cet effet, se rapporter à une anthologie du cinéma fantastique).

+ Autre film symptomatique: Ma vie est un enfer de Josiane Balasko, où un démon (Daniel Auteuil) accède à la nature humaine parce qu'il s'est bien comporté. Le personnage féminin du film (Josiane Balasko) devient pour sa part un démon.

On retrouve ici, la problématique d'une des thèses hasardeuses d'Origène dans son Péri Arkhôn. Origène (théologien et Père de l'Église grecque, 185-254 après Jésus-Christ) proposait donc qu'après la mort, les hommes qui auraient démérité devinssent des démons. De leur côté, des démons pouvaient s'humaniser en renonçant peu à peu à leurs crimes -6-.

Dans son commentaire Sur Saint Matthieu, Saint Jean Chrysostome explique de quoi il retournait alors: "Les démons sortaient des tombeaux, voulant accréditer une croyance pernicieuse, à savoir que les âmes des morts deviennent des démons; de là vient aussi que des devins ont tué des enfants pour obtenir la coopération de leur âme (sur la question du meurtre, voir le dernier enchaînement). Mais cela n 'a pas de sens qu'une puissance incorporelle puisse se changer en une autre substance, à savoir que l'âme puisse se changer en la substance d'un démon" (8, 28). La thèse inverse existe également: elles sont interchangeables. La ruse selon laquelle les démons se font passer pour les âmes des défunts est celle que je combats principalement en dénonçant la pratique du spiritisme. J'en donne ici un exemple contemporain de l'époque de Saint Jean Chrysostome (IV° siècle ap. J.C.) avec une aventure de Saint Macaire:

"Macaire, en voyage, entra dans un temple pour y passer la nuit; il y avait là des momies de païens et Macaire en mit une sous sa tête en guise d'oreiller. Pendant la nuit des démons voulurent l'effrayer. "Hé là, cria l'un d'eux, en feignant de s'adresser à une femme, une telle, viens avec nous au bain". -"Je ne le puis, répondit l'interpellée, j'ai un voyageur au dessus de moi". Il est inutile d'ajouter que Macaire ne se laissa pas prendre au jeu et que l'histoire tourna à la confusion des démons" (Apophtegmes des Pères du désert, 13, 268d - 269a).

Dans le second cas, les difficultés relationnelles avec les parents, expliquent psychologiquement l'adhésion de l'adolescent à la croyance à la réincarnation.

En effet, avec la réincarnation, la personne est censée avoir des vies successives et donc par là même des morts successives. Laissons de côté le fait qu'il faille sans cesse mourir et souffrir à nouveau, ce qui n'est guère réjouissant. Voyons plutôt ce qu'il en est des renaissances.

Celui ou celle qui croit à la réincarnation est supposé avoir eu beaucoup de... parents! Aussi, ses parents actuels ne seraient ni les premiers ni les derniers. On voit bien ici, ce qui dans la réincarnation nous révolte: en aimant son tout petit, une maman se tromperait! Le bébé pourrait être en effet habité par une âme de vieillard venant juste de se réincarner et ayant déjà plusieurs milliers d'années à son passif. C'est monstrueux!

Pour notre adolescent, en crise ouverte avec ses parents, la réincarnation permet de projeter son existence en dehors de son contexte familial; s'il considère que ses parents sont "nuls", il pourra se rassurer en imaginant qu'il fut en une vie antérieure le fils d'une jeune femme pleine de charme et d'un homme très bien considéré, intelligent et fortuné par exemple et qui le comprenaient... eux!

L'adolescent ne serait donc pas de façon univoque l'enfant de ses parents. D'autres, dans le passé, lui correspondraient davantage. Ses parents ne seraient que des parents de transition?!

"Chagrin pour son père qu'un fils insensé, et amertume pour celle qui l'a enfanté" (Les Proverbes, 17.25).

Dans le cas de Xavier, il se pourrait qu'il se soit inventé une réincarnation démoniaque: Dans sa pensée, cette nouvelle identité le dégagerait ainsi de toute ressemblance avec ses parents. Mais pourquoi resterait-il encore avec eux? Voyons, ils lui servent de couverture, évidemment! Mais là, nous supposons que Xavier est réellement convaincu d'être un démon (voir la possibilité n°5/). Autrement, s'il n'est pas fou, il reste chez lui car il a là le gîte, le couvert et tout le nécessaire à l'entretien de sa vie. Tôt ou tard il découvrira que ses parents l'aiment et il mesurera alors son ingratitude à leur égard. Dieu nous le commande: "Honore ton père et ta mère, afin d'avoir longue vie sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne" (Le Décalogue: Exode, 20.12 et Deutéronome, 5.16).

3/ Xavier est-il possédé?

Il semble clairement que non. En effet, Xavier vit tranquillement chez ses parents; il va au lycée, etc. Mis à part ses mauvais délires d'apprenti-spirite sataniste, il a des activités tout à fait normales.

S'il était réellement possédé, cela serait repérable. Ainsi, Jean-Yves, n'as tu jamais vu Xavier pris de convulsions subites avec démultiplication de sa force, pousser des hurlements féroces ni même parler d'une autre voix que la sienne une langue inconnue de lui telle que l'hébreu par exemple. Xavier ne vit pas dans un caveau au cimetière. Il ne court pas comme un dément tout nu dans les rues. Aucune force n'est entrée en lui pour le soumettre à son pouvoir et donc aucune non plus n'en est sortie.

Xavier n'est donc pas possédé. Tous les signes et manifestations que je viens de donner pour critères d'une réelle possession sont tirés du récit dans l'évangile selon Saint Marc, de la délivrance par Jésus du démoniaque Gérasénien: "ils arrivèrent de l'autre côté du lac, dans le pays des Géraséniens. Et aussitôt que Jésus eut débarqué, vint à sa rencontre, sortant des tombeaux, un homme possédé d'un esprit impur: il avait sa demeure parmi les tombeaux et personne ne pouvait plus le lier, même avec une chaîne, car souvent on l'avait lié avec des entraves et avec des chaînes, mais il avait rompu les chaînes et brisé les entraves, et personne ne parvenait à le dompter. Et sans cesse, nuit et jour, il était dans les tombeaux et dans les montagnes, poussant des cris et se tailladant avec des cailloux. Voyant Jésus de loin, il accourut, se prosterna devant lui et cria d'une voix forte: "Que me veux-tu, Jésus, fils du Dieu Très Haut? Je t'adjure par Dieu, ne me tourmente pas!" Jésus lui disait en effet: "Sors de Cet homme, esprit impur!" Et il lui demandait: "Quel est ton nom?" Il lui répond: "Légion est mon nom, car nous sommes beaucoup." Et il le suppliait instamment de ne pas les expulser du pays. Or, il y avait là sur la montagne, un grand troupeau de porcs en train de paître. Et les esprits impurs supplièrent Jésus en disant: "Envoie-nous vers les porcs, que nous y entrions." Il le leur permit. Alors ils sortirent et entrèrent dans les porcs et, du haut de l'escarpement, le troupeau se précipita dans la mer. Leurs gardiens prirent la fuite et portèrent la nouvelle à la ville et dans les fermes; et les gens vinrent pour voir qu'est-ce qui s'était passé. Ils arrivèrent auprès de Jésus et ils voient le démoniaque assis, vêtu et dans son bon sens, lui qui avait eu la Légion, et ils furent saisi de frayeur." (Saint Marc, 5.1-15).

4/ Xavier se fait-il passer pour un démon?

Super, on a vachement rigolé! De fait, il est à espérer que cette solution soit la bonne. A coup sûr, l'humour de Xavier n'est pas fameux... ainsi, en tout cas, s'en tire-t-il à moindre mal en comparaison de l'analyse de la possibilité suivante:

5/ Xavier se prend-il réellement pour un démon?

A dire vrai, je n'ai vu Xavier que deux fois et il ne m'a paru être très net, tout comme Loïc, d'ailleurs!

Si Xavier se prend réellement pour un démon, on peut être inquiet pour sa santé mentale. La chose pourrait en effet se rapporter à un cas de schizophrénie.

Comme nous l'avons déjà vu, le spiritisme joue avec les identités et concourt à la désintégration de la personnalité - entre autre à travers la croyance à la réincarnation.

Le mot schizophrénie a été inventé en 1911 par Bleuler à partir du grec schizein (fendre/diviser) et phrèn (esprit). Le schizophrène est ainsi défini comme une personne victime de dissociations dans le fonctionnement de son esprit. C'est une personne dont la conscience de soi est divisée, éclatée ou bien encore complètement "fêlée" comme l'on dit dans le langage populaire.

Chez le schizophrène, la personnalité est soumise en elle-même à des dualités de perception: comme si un autre agissait en concurrence ou en accoutumance avec elle et inversement.

Bien que réellement complexe, la personnalité est ce qui fait que nous nous reconnaissons comme des individus à part entière. Le schizophrène quant à lui, n'arrive plus à unifier le champ de ses expériences sous le registre d'une unique personnalité: sa personnalité et non celle d'un ou plusieurs "autres" qui seraient présents en lui-même.

En amont des troubles liés aux difficultés d'affirmation de sa personnalité, le schizophrène entretient des perturbations dans son appréhension du réel. Parmi les perturbations les plus caractéristiques, on trouve la perte du sens de l'évidence.

Tout à coup vient la question: "pourquoi je respire?" et le malade se met à suffoquer, surpris d'avoir à prendre le contrôle d'une activité physiologique qui s'effectue normalement d'elle-même sans qu'on est besoin d'y penser (c'est un exemple de cénesthésie).

Dans le cas de Xavier, la perte du sens de l'évidence se situerait bel et bien au niveau de son identification humaine. La perte du sens de l'évidence se rapporte ici à une perte d'identité. Croire que l'on est un démon relève d'une grave perte du sens de l'évidence: nous sommes des hommes, un point c'est tout!

Il ne nous reste plus qu'à nous convaincre qu'être humain est une bonne chose. Sans quoi, on risque de fuir notre condition en se prenant pour des êtres immatériels: Mais "qui veut faire l'ange fait la bête!", déclare Pascal.

Au sujet des pathologies liées à la pratique du spiritisme, le lecteur pourra se reporter à une thèse de l'université de médecine de Paris soutenue par Christo CHRISTEFF: Contribution à l'étude des troubles mentaux provoqués par les pratiques spirites (1939). Le lecteur pourra également consulter l'ouvrage du Dr Philippe ENCAUSSE (alias PAPUS): Sciences occultes et déséquilibre mental (1943). Une thèse de Pascal le MALEFAN donne pour sa part un historique des recherches psychiatriques en rapport avec le spiritisme: Les délires spirites, le spiritisme et la métapsychique dans la nosographie psychiatrique française (Lille, A.N.R.T., 1989).

b- la drogue

Avec le cas "Bob Marley", nous avons vu à quelles incitations nocives poussait le contenu des messages de l'esprit démoniaque: l'usage des stupéfiants.

Jean-Yves, au squat où tu as pratiqué le spiritisme, Xavier avait graphé un des murs. Te souviens-tu du graphe en question? Le graphe représentait une tête en décomposition que vous appeliez "Georges" en ricanant. "Georges" figurait donc sous la forme d'un crâne dégoulinant dans le dos duquel était fichée une seringue! Une dédicace de mauvais goût célébrait le tout: ""Georges" + 666!" si je me souviens bien. Le 666 qui est le chiffre du diable dans l'Apocalypse de Saint Jean, se rapporte ici au contenu de la seringue; ce qui nous donne l'égalité suivante: drogue = diable.

Quel rapport la drogue entretient-elle avec notre question de la possession?

En ce qui concerne le spiritisme, il est clair que les esprits auront beau jeu d'inciter les apprenti-­spirites à faire usage des stupéfiants. La drogue détruit physiquement l'homme en même temps qu'elle bouffe sa volonté. Or, la volonté est le domaine le mieux gardé chez l'homme et sur lequel les démons n'ont aucun pouvoir si nous nous refusons à leurs propositions empoisonnées. Cependant, par l'intermédiaire de substances chimiques, la volonté peut-être soumise et l'homme transformé, au choix, en larve ou en légume! C'est malheureux à dire mais c'est la triste réalité.

Dans les cas de possessions en tant que tels, la volonté de l'homme est annihilée sous l'emprise d'une substance étrangère à lui qui contrôle son corps à sa place. En écho à cela, la drogue peut-être considérée au sens fort comme une forme de possession démoniaque par substance chimique interposée. Le drogué ne maîtrise plus son corps et son esprit est perdu dans les limbes d'un monde meurtrièrement irréel (les neurones sont pulvérisés par paquets et la folie finit par éclore! -7-); la volonté est peu à peu anéantie avec l'accoutumance au produit; le drogué n'a plus qu'un but: se procurer la dite substance pour satisfaire un manque dont le fossé ne cesse de se creuser jusqu'à l'overdose.

Chez le drogué, le corps est investi par les effets de la substance qui s'y propage. Les démons sont des substances... mais leur substance est immatérielle; à cela près, la drogue pourrait figurer parmi les formes les plus accomplies de la possession diabolique.

Le drogué n'est pas soumis au diable mais à une substance chimique dont on peut cependant dire que les effets sont "diaboliques".

c- l'obsession

L'obsession ne doit pas être confondue avec la possession diabolique. L'obsession n'est pas la possession et la possession n'est pas l'obsession.

Une question, cependant, retiendra ici notre attention: la possession est-elle consciente?

Est-ce que par possédé nous ne devons pas identifier une personne victime d'un dédoublement de la personnalité? La personne serait alors victime de dissociations fragmentaires de la personnalité entraînant chez elle un manque de contrôle sur une partie de son activité: "la conscience du malade, sa volonté et sa sphère d'activité se dédoublent. En toute vérité subjective - il y a naturellement des supercheries de temps en temps - il a l'impression qu'il y a un deuxième être en lui qui le domine et le gouverne. Il pense, il sent, il agit tantôt comme l'un, tantôt comme l'autre et avec la conviction qu'il est double" (Harnack, Medizinisches aus der ältesten kirchengeschichte). La personne est donc oppressée par un autre, qui vit à côté d'elle et qui l'obsède par sa présence. Mais on ne peut pas dire que cet autre possède la personne, car si cet "autre" (reconnu jusqu'alors comme tel) prenait totalement le dessus, le dédoublement cesserait automatiquement. Le conflit en cause dans le dédoublement serait ainsi résolu par la victoire sur l'autre d'une des deux parties de la personnalité jusque là divisée. Quand on dit l'autre, il ne s'agit plus de l'"autre" mais de l'un des deux, ce qui montre bien qu'il n'y a plus conscience d'un dédoublement.

De fait, la possession implique la perte de conscience du sujet, le temps où il est possédé: "Si l'on regarde les relations récentes détaillées, on aperçoit avec étonnement qu'un tel dédoublement de conscience n 'a pas été réel dans tous les cas. Il manque dans beaucoup et même dans la plupart; le démon ne gouverne ordinairement encore que l'organisme, que déjà le sujet a complètement perdu la conscience de son individualité habituelle [...] Eschenmayer, d'après huit cas d'observation personnelle, considère la perte de conscience comme le caractère essentiel de la possession. Il y aurait évanouissement subit de la conscience et une ignorance totale de ce qui a eu lieu pendant la crise" (T.K. Oesterreich, Les possédés, Paris -1927).

Le mot obsession vient du latin obsidere, qui veut dire "assiéger". La personne obsédée est donc assiégée par quelque chose qui l'oppresse. Dans le cas de la possession, la citadelle de la personne est carrément investie!

Souvent, les exorcistes sont visités par nombre de gens qui se déclarent possédés. Le sont-ils réellement?

Pour la plupart, les personnes qui visitent l'exorciste en se déclarant possédées ne le sont en fait pas. Ce qui ne veut pas dire qu'elles ne souffrent pas. "Les gens, que ce soit imagination ou autre chose, souffrent le martyr. Il vaudrait mieux, parfois, une bonne possession que l'angoisse terrible qui les ronge" (Père Gesland, ancien exorciste attitré de l'Archevêché de Paris, cité dans Miroir de l'histoire n°285, 1975). Ces personnes sont fâcheusement obsédées par la peur d'être possédées. Cependant, la peur d'être possédé n'est pas la possession.

d- la possession en tant que telle

Jean-Yves, je vais maintenant te raconter une histoire, vécue par un copain de régiment. Il faut savoir en effet que le spiritisme et la sorcellerie étaient largement pratiqués à l'armée lorsque j'y faisais mon service militaire. Je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui.

Toujours est-il que ce copain de régiment, nommé Christophe, au retour d'une permission, m'a confié avoir passé un sale week-end:

Christophe et des amis à lui s'étaient retrouvés pour passer la soirée ensemble; ils ont alors décidé de faire une séance de spiritisme dans la cave de la maison des parents de deux d'entre eux.

L'esprit est venu et il s'est présenté comme étant: S.A.T.A.N.

Parmi les amis de Christophe, deux d'entre eux sont frères. Après quelques manipulations du verre et un petit tour de questions, un des deux frères a déclaré vouloir tenter une petite expérience... Il demanda à cet effet à l'esprit, satan, s'il pouvait venir en lui!!! La réponse fut "oui" et elle se prolongea autour d'une négociation quant à savoir combien de temps cela devait durer. Au départ, l'esprit proposait une heure, ce que la personne concernée refusa. Cependant, au moment où le verre indiquait un quart d'heure, l'ami de Christophe lança un "oui" franc et massif

Il reçut alors comme le choc d'un impact et il resta raide et muet de stupeur. Christophe et les autres, ne trouvèrent pas cela très drôle et ils dirent à l'intéressé d'arrêter immédiatement son numéro - fort impressionnant au demeurant!

Réponse du berger à la bergère, il bondit d'un seul coup de son siège et commença à balancer tout ce qui se trouvait dans la cave. Après un temps d'hésitation, Christophe et les autres se jetèrent sur lui. Plaqué au sol, se secouant de toute sa longueur, leur ami se mit à vociférer d'une voix qui n'était pas celle qu'ils lui connaissaient.

A ce sujet, il faut que je rapporte ici un point de détail que Christophe me fit remarquer et qui l'avait profondément troublé. En ce début du mois de juillet 1993, était en effet passé à la télévision une émission sur les exorcistes. Je n'ai pas voulu voir cette émission bien que les copains de caserne me l'aient proposé plus d'une fois me sachant catholique pratiquant. J'ai refusé car je n'aime pas les trucs qui font peurs! Christophe, lui, l'a regardée, plus qu'intéressé après l'affaire de sa désastreuse partie de spiritisme. Il m'a décrit qu'au début de l'émission on voyait en direct l'exorcisme d'une vieille dame. Comme elle se cambrait avec une souplesse et une force inouïes, plusieurs hommes étaient occupés à la maintenir en place tandis qu'un prêtre récitait les formules d'exorcisme de Léon XIII -8-. En tout cas, ce qui a retenu l'attention de Christophe, c'est que la voix qui sortait de la vieille dame, une voix grave et horriblement vulgaire, était exactement la même que celle sortie de son ami lors de la séance de spiritisme.

Pour en revenir à la séance de spiritisme elle-même, la voix proférait des menaces de mort contre la personne par l'intermédiaire de laquelle elle parlait. La voix vociférait: "Je vais tuer ton frère!"; on concevra aisément que le frère de la victime en ait pleuré de douleur. Christophe, ne sachant plus quoi faire, eut toutefois le réflexe d'invoquer le nom de Jésus et de faire des signes de croix sur la poitrine de son ami. A chaque fois, le corps se révulsait et la voix crachait d'immondes flopées de blasphèmes. Le corps, ainsi malmené, finit par échapper au placage exercé sur lui par Christophe et les autres. Leur ami se redressa et sortit d'un bond de la cave. Parmi les apprenti-spirites, celui qui courrait le plus vite chercha à le rattraper dans la nuit. Bien qu'il soit un excellent coureur à pieds, il ne parvint pas à suivre sa trace. Finalement, au coin d'une rue, sous un lampadaire, il le retrouva, l'air hagard et se plaignant d'avoir mal à la cheville -9-. Son ami ne se rappelait de rien... Un quart d'heure venait de passer!

Le cas de l'ami de Christophe est-il un cas de possession en tant que tel?

C'est un Jésuite du XVI° siècle, le Père Pierre Thyraeus de Neuss, qui le premier a étudié de façon systématique la question de la possession. Selon lui, d'après son Demoniaci, hoc est: de obsessis a spiritibus demoniorum hominibus, les deux critères nécessaires et indissociables qui distinguent une réelle possession de tout autre chose, sont: 1/ que les démons soient dans le corps d'un homme et 2/ qu'ils aient reçu pouvoir sur celui-ci. Si l'un ou l'autre fait défaut, on ne peut pas parler à bon droit de possession, conclut le Père Jésuite.

2/ dans le cas de l'ami de Christophe, le diable a en effet reçu pouvoir sur celui-ci par l'intermédiaire de l'intéressé lui-même, qui s'est livré de sa propre volonté à l'emprise de l'esprit. La possession a été rendue possible par l'abdication volontaire de sa volonté.

1/ le diable est entré dans son corps comme cela ressort du récit: "Les théologiens et les saints disent que le démon entre dans le corps des démoniaques, arreptitii, et en sort. [...]. Mais, pour sortir, il faut avoir été dedans" (Père Martin Delrio d'Anvers, S.J, Disquisitionum magicarum libri sex Livre III, part. I, Q. IV, sec. 7, XVI° siècle-).

Quant à la perte de conscience lors de la crise, suivie de la perte de mémoire cette dernière passée, comme critère retenu par Oesterreich pour la possession, la chose est évidente dans le cas présenté par l'ami de Christophe.

Suite à ce qui vient d'être dit, comment le démon opère-t-il dans le corps?

Écoutons, ce que nous en dit un autre ... Jésuite, le Père de Bonniot, cette fois: "La possession est un phénomène double. Elle comprend une sorte de catalepsie de l'organisme, un état organique qui soustrait le système nerveux d'abord et, par suite, tout le corps à l'influence du pouvoir directeur normal, c'est à dire de l'âme qui lui est unie: c'est le premier élément du phénomène. Le second consiste en ce qu'un pouvoir étranger, un démon, se substitue à l'âme frappée d'impuissance, non pour animer, ce qui est impossible, mais pour mouvoir le corps à sa place" (Le miracle et ses contrefaçons , 1ère partie, ch. V, Paris -1887-). De fait, la possession n'est qu'un simulacre d'animation du corps.

Les proportions harmonieuses qui unissent entre eux le corps et l'âme d'un individu donné, sont uniques, inimitables, inéchangeables et indissociables. La possession apparaît donc comme une tentative grossière de la part du démon de reconstituer ces proportions, qui, de fait, sont hors de proportion pour lui. Ainsi, les possédés se déplacent-ils de façon grotesque, agités dans tous les sens, sans maîtrise ni équilibre moteur, tombant et se redressant comme des pantins.

On peut dire que le démon entretient avec le corps du possédé le même rapport que la marionnette avec le modèle humain qu'elle singe et dont le marionnettiste, à travers elle, tente de restituer des mouvements et des attitudes humaines. Mais nul ne s'y trompe, la marionnette n'est pas vivante. Le marionnettiste ne donne pas la vie à la marionnette (Pinocchio est un conte pour enfant). Le démon non plus ne donne pas vie au possédé. La vie corporelle n'appartient qu'à l'homme qui l'a reçue de Dieu et à Jésus-Christ: Dieu fait homme.

En ce qui concerne plus particulièrement le spiritisme, peut-on affirmer que ceux que l'on appelle médiums soient susceptibles d'être possédés lors des séances?

Je n'ai de fait recueilli aucun témoignage de séance de spiritisme s'étant déroulée sous la houlette d'un médium.

Il est cependant dit que le médium est une personne beaucoup plus ouverte que les autres au monde des esprits. Ce qui, après ce que nous venons de voir, ne semble pas une très bonne chose! Ainsi, le médium serait capable de faciliter la délivrance par l'esprit de ses messages en accueillant en lui ce même esprit qui parlerait alors plus aisément par le truchement de la voix. La supercherie reste cependant la règle générale (voir le film d'Hitchcock, Complot de famille, -1975-). L'intrigue du film débute par une séance de spiritisme: L'héroïne, une jeune femme qui se fait passer pour une médium, tente d'escroquer la fortune d'une vieille dame veuve. La jeune femme évoque alors, en présence de la vieille dame, l'esprit du mari défunt et simule sa venue en elle, en parlant avec une voix grave. La vieille dame se laisse prendre au piège de la supercherie...

A titre d'illustration pouvant se rapporter dans les cas de "médiumnité" à une forme réelle de possession, je citerai la relation qu'Etienne me fit d'une séance de spiritisme à laquelle il participa:

Au cours de celle-ci, le verre s'immobilisa devant l'un des participants qui, les yeux révulsés, se mit alors à parler avec une voix bizarre. La réaction des autres fut immédiate: ils brisèrent le verre et le phénomène cessa instantanément. Le participant retrouva alors tous ses esprits (façon de parler?!).

S'agissait-il d'une forme de possession?

Demandons, une fois de plus, le concours d'un Père Jésuite, pour y voir clair: "Il ne semble pas nécessaire, pour qu'il y ait possession, que la substance diabolique soit tellement enfermée dans le sujet humain que rien n'en soit au dehors. Cela sans doute est ordinaire. Mais si le démon qui possède se dilatait dans la sphère de son extension de façon à être tout ensemble à l'intérieur et à l'extérieur du corps de l'homme, celui-ci pourrait encore être considéré à bon droit comme un possédé" (Père Gaspar Schott de Koenigshofen, S.J., Physica curiosa sive mirabilia naturae et artis, Livre IV, ch. I, -XVI° siècle-).

Les démons ne peuvent induire de mouvements dans la matière que de façon virtuelle; aussi pour ce faire, ont-ils besoin du concours de médias (de moyens) et plus singulièrement d'un médium (comme on appelle dans le spiritisme, celui ou celle qui sert de relais entre le monde des esprits et le nôtre).

La conclusion générale de cet enchaînement est simple: si vous désirez éviter les démêlés avec le diable, abstenez-vous de pratiquer le spiritisme. Car le spiritisme sert au diable de plate-forme de déploiement pour ses batteries d'obsessions en tout genre. Il vaut mieux ne pas risquer d'offrir sa cible au tir. Pour ma part, je ne chercherai pas à savoir si le diable sait viser!

Il n'empêche qu'au cours de l'histoire de l'Eglise, des anachorètes, parmi lesquels, on peut citer en premier lieu les Pères du désert, ont recherché le combat spirituel. But de la manœuvre: grandir dans les vertus par l'entraînement contre les tentations, tout en retenant les démons et le diable autour de soi le plus longtemps possible, de manière à ce qu'ils perdent là leur temps par de vaines attaques plutôt que de les laisser aller s'en prendre à d'autres personnes moins exercées à la lutte. De toute manière, cette façon d'agir ne peut en aucun cas consister en un jeu, car seul, celui ou celle qui en a reçu spécialement la grâce de Dieu peut s'y risquer. Il n'empêche qu'il faut savoir que des hommes et des femmes ont ainsi su tenir tête au diable sur toute la ligne. Par exemple, Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus a mené dans la solitude du Carmel un terrible combat contre les puissances des ténèbres qui, assurément, a dégagé des milliers d'âmes de lourds fardeaux dont elle s'est chargée secrètement pour elles On pourrait citer plus récemment l'exemple de Marthe Robin. C'est entre autre cela la Communion des saints.

Dieu soit loué pour tous les saints et pour toutes les saintes.

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