Transverbération du coeur

From: François Lugan

To: <a.dumouch@freeworld.be>

Sent: Monday, January 01, 2005 4:44 PM

Subject: RE: Questionnaire
Cher Arnaud,

Voici le questionnaire d'un journal sur le paranormal
 

Certaines personnes se revendiquent à la fois du Bouddhisme et de la religion chrétienne. Montrez en quoi cela n’est pas conciliable ?

Quels sont les critères de l’Eglise pour différencier ce qui est relatif au psychisme humain de ce qui vient de Dieu ?

Comment l’Eglise reconnaît-elle la réalité de certaines apparitions ?

A t-on recensé d’autres prodiges dans d’autre religion ?

François

Transverbération du coeur
From: a.dumouch@freeworld.be

Sent: mardi 02 février 2005 10:30

Cher François,

Voici:

Certaines personnes se revendiquent à la fois du Bouddhisme et de la religion chrétienne. Montrez en quoi cela n’est pas conciliable ?

Pour réponse à cette question, on faut considérer trois aspects de ces deux sagesses:

D'abord le fond métaphysique de leur foi: Le Bouddhisme tient de l'hindouisme que l'univers seul est "dieu" et que nous ne sommes pas de vraies personnes individuelles mais de simples émanations de ce "grand tout". Et nous nous imaginons être des personnes: "voici l'erreur fondamentale de l'imaginaire", disent unanimement les bouddhistes. Le but de la vie est la fuite de cette erreur, non par la réflexion intellectuelle, mais par la disparition de toute pensée, tout désir, toute existence personnelle. Le Christianisme pense au contraire que nous sommes de vraies personnes, sacrées, créée par Dieu pour un futur mariage d'amour avec lui, un mariage qui durera toujours, dans un échange perpétuel de lumière et de don.

Sous ce premier rapport, on ne saurait donc être bouddhiste et chrétien. C'est évidement contradictoire.

 

Mais le discernement des esprits ne s'arrête pas là: Il faut regarder ensuite les valeurs morales qui sont exigées dans ces deux sagesses. Le Bouddhisme met au dessus de tout l'absence totale de tout désir. Le christianisme met au dessus de tout le désir de voir Dieu et d'aimer son prochain. Ce sont donc là encore deux mondes différents.

Mais le bouddhisme encourage aussi l'humilité devant l'univers immense et la compassion pour les autres avatars [les autres créatures, hommes ou animaux], surtout quand ils souffrent. Ces deux valeurs [humilité et compassion], le christianisme les aime, les reconnaît et les partage, même si pour lui, cette humilité et cette compassion sont des dispositions qui prennent vie dans un cœur à cœur avec Dieu par la prière et d'amour pour le prochain.

Sous ce second rapport, on peut être bouddhiste et chrétien.

Enfin, il faut regarder les pratiques et techniques que professent ces deux sagesses. Or, dans le bouddhisme, la plupart des diverses techniques de méditation visent à obtenir davantage de maîtrise de soi et de paix psychologique. Il n'y a là aucune contradiction avec le christianisme: qui pourrait nier que prier Dieu dans une paix du corps et des passions est utile?

Un seul Yoga pose problème: il s'agit du Yoga originel, celui du "vide", de la mort à toute activité et pensée. Ce yoga là n'est légitime que pratiqué modérément, à titre de relaxation, s'il ne vient pas remplacer la prière qui est tout à fait l'inverse, à savoir "Vie", relation passive et active à Dieu.

Il y a donc une grande souplesse et du bon sens dans ces distinctions.

 

De même de nombreux chrétiens pratiquent la double appartenance du « New Age » et du christianisme. Est ce un phénomène répandu et quels en sont les dangers ?

Le Nouvel Age n'est pas une secte, mais ce n'est pas non plus le christianisme.

La secte pratique l'étroitesse: "J'ai le salut et les autres iront en enfer.".

Le New Age pratique la tolérance et l'ouverture la plus totale: "Pratiquez ce que vous voulez."

 

Mais le but explicitement visé par le Nouvel Age est très différent de celui du bouddhisme, cette sagesse de la "mort à soi-même". Pour le Nouvel Age, "L'essentiel est la paix intérieure individuelle, le bonheur subjectif."

Et c'est sur ce dernier point que parait toute la différence avec christianisme: Le message du Christ ne dit pas: "Le but ultime de votre vie est votre "moi" épanoui."

N'est-il pas plutôt: "Dieu et le prochain plus que votre propre bonheur!" Certes le bonheur du "moi" est promis mais comme conséquence, non comme finalité essentielle.

Finalement, le Nouvel Age fut, comme beaucoup de courants nés dans les années hédonistes qui suivirent la seconde guerre mondiale, une spiritualité centrée sur l'amour de soi. Beaucoup de chrétiens pensent pouvoir adhérer à ce courant, souvent parce qu'ils se sont construit une conception purement terrestre du message du Christ.

 

Quels sont les critères de l’Eglise pour différencier ce qui est relatif au psychisme humain de ce qui vient de Dieu ?

 

Il existe une clef essentielle qui, sans donner 100% de la réponse, permet un premier discernement rapide et très efficace.

Le psychisme humain a une nature propre: il cherche son propre bien, ici-bas et maintenant (plaisirs, possession, honneurs). L'Esprit de Dieu au contraire, cherche d'abord ce qui est éternel, ce qui ne passe pas. Or, par essence, l'éternité est une MARIAGE D'AMOUR AVEC UN DIEU DONT LA NATURE EST D'ÊTRE LE PLUS PETIT, lui qui est le plus grand.

 

Reprenons ces termes:

D'abord un mariage, et dans un mariage selon le Christ, c'est L'AUTRE (conjoint, enfants), qui compte d'abord. Ainsi, tout ce qui fait sortir de soi pour se soucier des autres risque bien de venir de Dieu (ou parfois de la bonté naturel d'un cœur, d'où la nécessité d'une grande souplesse pour discerner les esprits).

Ensuite, c'est un mariage d'AMOUR. Ainsi, tout ce qui aboutit à un amour (pas seulement au SENTIMENT d'amour), pourrait bien avoir un rapport avec l'Esprit de Dieu.

Enfin, ce Dieu est HUMBLE, où plutôt, KENOSE, c'est-à-dire que le Père ne vit que pour le Fils et réciproquement… Ainsi, si un phénomène paranormal quelconque conduit à davantage d'humilité, c'est bon signe.

 

Ces trois critères spirituels de l'Esprit de Dieu (l'amour humble de l'autre) furent depuis toujours le critère de discernement des plus grands théologiens pour distinguer Dieu et le psychisme humain, et parfois le démon. On se souvient du magistral travail de l'envoyé ecclésiastique auprès des religieuses voyantes de Loudain: "Ma sœur, vous dites que le Christ doit vous apparaître. Moi je vous dis d'aller d'abord à l'Office." Réponse de la sœur: "Vous abusez. La volonté de Jésus doit passer avant!" Cette désobéissance de la sœur voyante, son manque d'humilité et de défiance d'elle-même disait tout. Et de fait, les phénomènes paranormaux, les stigmates, les lévitations venaient de son orgueil que le diable avait béni...

 

Il doit en être ainsi pour le discernement de tous les phénomènes paranormaux de type "prodiges" (c'est-à-dire ceux qui peuvent indifféremment provenir des bons anges, du démon ou du psychisme humain). S'ils ne sont pas accompagnés de vrais miracles (voir plus bas), il faut d'abord regarder, outre la fidélité de la foi de la personne, l'amour et l'humilité qui sort de sa présence.

L'exemple de Marthe Robin est à cet égard significatif: Elle porte les stigmates, elle tombe en extase (prodiges). Mais, et c'est bon signe, elle rayonne de simplicité, d'amour de Dieu et du prochain. En sa présence, chacun a l'impression de compter. Et s'il faut un miracle pour confirmer cette impression, il est certain que Dieu le donne: elle reste 40 ans sans manger et sans boire. Que faut-il de plus?

 

Comment l’Eglise reconnaît-elle la réalité de certaines apparitions ?

Ces critères sont définis par le droit canonique et sont très précis. Pour reconnaître OFFICIELLEMENT un fait, il faut trois critères:

a) Une totale fidélité de la théologie enseignée à la foi de l'Eglise. On voit mal en effet, Dieu enseigner une erreur sur la foi ou la morale.

b) Des fruits spirituels typiquement chrétiens comme retour à la foi, fidélité à l'Eglise, retour aux paroisses et au dessus de tout humilité, charité, etc. (et comme le bien est toujours mêlé de mal, on ne peut rejeter Lourdes sous prétexte que, après Bernadette plus de 60 personnes voyaient des Vierges partout à Lourdes).

c) En outre, l'Eglise demande quelques miracles incontestables (donc pas de simples prodiges): "Les aveugles voient, les boiteux marchent, les morts ressuscitent".

Les miracles: Le miracle, à la différence du prodige, ne peut être attribué qu’à Dieu seul. Il implique un fait absolument contre nature. Il s’oppose aux lois fondamentales de la nature. Il nécessite la plupart du temps une puissance infinie.

Il existe des lois fondamentales de la nature qu’il est impossible de contredire. En science physique, on décrit deux principes premiers :

-- Le principe de stabilité de l’être : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Il est impossible de créer à partir de rien ou, à l’opposé, d’anéantir quoique ce soit. Ainsi, si une matière apparaît, comme cela, en un éclair, à partir de rien, c’est qu’un miracle a eu lieu. Il ne peut être attribué qu’à une puissance supérieure qui dépasse la nature, Dieu : Exemples: Guérison de Jeanne Frétel à Lourdes. Son intestin préalablement enlevé réapparaît en un éclair. Résurrection de Lazare (Jean 11); saint Charbel Maklouf et l’huile miraculeuse.

-- L’entropie : « Tout corps isolé s’use, se dégrade ». On ne voit jamais un charbon de bois, une fois consumé, se rallumer. Le soleil se vide et mourra. Un homme ne peut rester 40 ans sans manger ni boire. Exemple de miracle: Marthe Robin, une probable future sainte catholique, est à cet égard un miracle vivant.

D’autres lois ne peuvent être dépassées sans une puissance infinie :

-- « Il n’existe aucun mouvement instantané ». Or Jeanne Frétel retrouve en 1950 à Lourdes, en un éclair, son intégrité physique.

-- Dans le domaine de la biologie, les lois de nature sont bien plus nombreuses et remarquables. Le premier enfant guérit à Lourdes voyait… mais son œil n’était pas guéri. Il restait dénué de cristallin. « C’est impossible, il ne peut pas voir » disait le médecin. De même, un cadavre décomposé ne ressuscite pas (Lazare), un organe ne repousse pas, une moelle épinière sectionnée ne se recolle pas etc.

 

 A t-on recensé d’autres prodiges dans d’autre religion ?

Les prodiges: Le prodige ne s’oppose pas aux lois de la nature. Il ne fait que les appliquer de manière curieuse, et invite à la recherche. Exemple de prodiges: lévitation, télépathie, rêve prémonitoire peu précis, guérison surprenante mais explicable par la force d’une psychologie, stigmates. Il y a de nombreux témoignages de prodiges dans les autres religions et ceci depuis toujours. Parfois, ils sont dus au psychisme, parfois aux bons anges, ou aux démons, aux âmes des morts. Tout le problème est le discernement de leur origine. En général, quand ils conduisent à d'avantage d'humilité, de bonté pour les êtres, Dieu est à l'origine. Au contraire, le démon peut être souvent discerné dans beaucoup de choses qui conduisent à l'égoïsme et à l'orgueil.

L’Eglise ne reconnaît jamais un prodige comme tel car, selon elle, il n’a pas nécessairement Dieu pour cause (cause psychologique, matérielle ou angélique). Mais quand ils sont accompagnés de davantage d'humilité, elle y voit de bons signes.

Les miracles au sens fort sont très rares dans les autres religions: seul le judaïsme pré-christique ou le christianisme en témoignent. On doit le reconnaître: même l'islam, dans le Coran, n'en rapporte pas. Il se contente de prodiges comme celui d'une araignée qui tissa sa toile devant la grotte ou Mohamed se cachait.

Seuls une catégorie de miracle est universel, présent à toute religion, de l'Orient à l'Occident: il s'agit de la prophétie. La prophétie, la vraie, celle qui annonce un futur contingent avec précision ne peut venir que de Dieu. En effet, une autre règle du réel doit être énoncé: -- « L’avenir ne peut être entièrement prévisible ». Il est lié au hasard, à la liberté des individus. Exemple de prophétie : Sainte Odile décrit au VIIIème siècle la seconde guerre mondiale comme si elle y assistait. La prophétie de Fatima sur les deux guerres mondiales, sur le futur martyre de la papauté.

Eh bien toutes les religions attestent de prophéties étonnantes, qui visiblement venaient de Dieu. On en a un exemple dans l'Evangile: d'où venait chez les magiciens chaldéens cette prophétie qui leur fit suivre l'étoile pour aller adorer Jésus: "Un roi va naître, un roi éternel qui sera Dieu et qui mourra pour les hommes".

Un exemple en Orient, au Cambodge: "Quand vous verrez le ciel écarlate comme le banian [un arbre du pays] fuyez." Il y eut un inquiétant coucher de soleil, quelques mois avant la venue des Khmers rouges. On connaît la suite.