Auteur: Arnaud
Dumouch (---.88.238.214.codenet.be)
Date: 17/12/2003 15:15
Chers amis, voici le texte de saibt Thomas, IIaIIae, Q 45,
ARTICLE 5: La divination par les astres
Objections: 1. Elle ne paraît pas illicite, car est permis d'annoncer,
par l'examen des causes, l'effet qui s'ensuivra. Les médecins, d'après
le cours que prend la maladie, annoncent la mort de leur client. Or, les
corps célestes sont cause de ce qui se passe dans ce bas monde; Denys
lui-même le dit. La divination par les astres n'est donc pas défendue.
2. La science naît de l'expérience. C'est ce qu'on peut voir dans
Aristote au début de sa Métaphysique. Or, grâce à de multiples
expériences, des gens ont découvert qu'on pouvait, par l'examen des
astres, annoncer certains événements futurs. Il ne semble donc pas
illicite d'employer un tel moyen pour connaître l'avenir.
3. La divination est illicite en tant qu'elle se fonde sur un pacte
conclu avec les démons. Mais cela n'a pas lieu dans l'astrologie, où
l'on considère simplement la disposition des créatures de Dieu. Il
parent donc que cette forme de divination n'est pas illicite.
En sens contraire, nous lisons dans les Confessions de S. Augustin: « je
ne renonçais pas à consulter ces imposteurs que l'on nomme
mathématiciens; cela parce qu'il me semblait qu'ils n'offraient pas de
sacrifices, et n'adressaient pas de prières à un esprit quelconque, en
vue de leurs divinations. Et cependant la vraie piété chrétienne rejette
ces pratiques et les condamne. »
Réponse: Nous avons déjà dit que les démons agissent dans la divination
qui procède d'une opinion fausse ou creuse, afin d'entraîner les esprits
humains dans la vanité ou l'erreur. Or, c'est faire preuve d'une opinion
vaine ou fausse que de chercher à prévoir, par l'examen des étoiles,
l'avenir qu'elles ne peuvent nous faire connaître. Il faut donc examiner
ce que l'observation des corps célestes peut exactement nous faire
prévoir. S'il s'agit d'événements dont le cours est nécessaire, il est
évident qu'on peut les prévoir par ce moyen; les astronomes annoncent
ainsi les éclipses. Mais nous nous trouvons en présence d'opinions bien
diverses au sujet des prévisions sur l'avenir que peuvent fournir les
étoiles.
Il y eut des gens pour dire que les étoiles signifient, plutôt qu'elles
ne produisent, ce que l'on prédit en les observant. Mais cela est
déraisonnable. Tout signe corporel ou bien est un effet qui nous
renseigne directement sur la cause qui le produit, ainsi la fumée est le
signe du feu qui en est cause; ou bien, en désignant la cause, il
désigne par là son effet, comme l'arc-en-ciel signifie le beau temps
parce que le beau temps et l'arc-en-ciel ont une même cause. Or, on ne
peut dire que les positions et les mouvements des corps célestes sont
les effets d'événements futurs. Et on ne peut pas davantage ramener les
uns et les autres à une cause unique de nature corporelle. La seule
cause à laquelle on puisse ramener ces différents effets comme à une
source commune, est la providence divine. Mais celle-ci soumet à des
lois différentes les mouvements et les positions des corps célestes, et
les événements contingents. Les premiers se produisent selon une raison
nécessaire qui les produit toujours de la même manière, tandis que les
seconds, soumis à une raison contingente, se produisent de façon
variable.
On ne peut donc, de l'examen des astres, tirer d'autre prévision que
celle qui consiste à découvrir par avance l'effet dans sa cause. Or,
deux sortes d'effets échappent à la causalité des corps célestes.
D'abord tout ce qui se produit par accident, soit dans l'ordre humain,
soit dans l'ordre naturel. L'être par accident n'a pas de cause,
explique Aristote, surtout si on l'entend d'une cause naturelle comme
l'influence des corps célestes. Parce que ce qui se produit par accident
n'est pas à proprement parler un être et n'a pas d'unité réelle: que la
chute d'une pierre produise un tremblement de terre, qu'un fossoyeur,
creusant une tombe, trouve un trésor, on ne peut reconnaître à ces
rencontres d'unité formelle; de telles rencontres n'ont pas d'unité
réelle, elles sont absolument multiples. Tandis que le terme d'une
opération naturelle est toujours quelque chose d'un, comme son principe
qui n'est autre que la forme naturelle de l'être qui agit.
Échappent ensuite à la causalité des corps célestes les actes du libre
arbitre, « faculté de la volonté et de la raison » . L'intellect en
effet, ou la raison, n'est pas un corps, ni l'acte d'un organe corporel.
La volonté, qui est la tendance correspondant à la raison, ne l'est donc
pas davantage. Or, aucun corps ne peut impressionner une réalité
incorporelle. Il est donc impossible que les corps célestes fassent
directement impression sur l'intelligence et la volonté, car ce serait
admettre que l'intelligence ne diffère pas du sens: ce qu'Aristote
attribue à ceux qui soutenaient que « la volonté des hommes est modifiée
par le père des hommes et des dieux », c'est-à-dire le soleil ou le
ciel. Les corps célestes ne peuvent donc être directement causes des
opérations du libre arbitre. Ils peuvent cependant incliner ou agir en
tel ou tel sens, en y disposant par leur influence. Celle-ci s'exerce en
effet sur notre corps, et par suite sur nos facultés sensitives, car
celles-ci sont l'acte d'organes corporels qui inclinent à produire les
actes humains. Mais ces puissances inférieures obéissent à la raison,
comme le montre Aristote; le libre arbitre n'est donc aucunement
nécessité, et l'homme peut toujours, par sa raison, s'opposer à cette
impulsion venue des corps célestes.
Donc, si l'on use de l'astrologie pour prévoir les événements qui se
produisent par hasard ou accidentellement, ou encore pour prévoir avec
certitude les actions des hommes, on part d'une opinion fausse et vaine.
C'est ainsi que l'action des démons s'y mêle. C'est une divination
superstitieuse et illicite. Si par contre, on examine les astres pour
connaître d’avance les effets directs de l’influence des corps célestes:
sécheresses, pluies, etc., il n'y a plus ni divination illicite ni
superstition.
Solutions: 1. Notre exposé répond à la première objection.
2. L'exactitude fréquente des prédictions des astrologues tient à deux
causes: 1° La plupart des hommes suivent leurs impressions corporelles.
Leurs actes n'ont donc le plus souvent d'autre règle que le penchant
imprimé par les corps célestes. Un petit nombre seulement, les sages,
gouvernent ces penchants par la raison. C'est pourquoi, dans bien des
cas les prédictions des astrologues se réalisent, surtout lorsqu'il
s'agit d'événements généraux qui dépendent du grand nombre. 2° Les
démons s'en mêlent. « Il faut avouer, dit S. Augustin que lorsque les
astrologues disent vrai, c'est sous l'influence d'un instinct très
secret que les âmes humaines subissent inconsciemment. C'est là une
oeuvre de séduction, qu'il faut attribuer aux esprits impurs et
séducteurs, à qui Dieu permet de connaître certaines vérités de l'ordre
temporel. » Et il tire de là cette conclusion: « Aussi un bon chrétien
doit-il se garder des astrologues et de ceux qui exercent un art
divinatoire et impie, surtout s'ils disent vrai.
Il doit craindre que son âme, trompée par le commerce des démons, ne
soit prise au piège dans le pacte qui l'attache à eux . »
3. Cela résout également la troisième objection.
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