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QUESTION DE MÉTHODE

         Cette partie ne concerne que les personnes désireuses de s’instruire sur les sources de ce qui sera dit ensuite. Il s’agit de ce qui spécifie et rend si passionnante et ouverte la théologie catholique.

CHAPITRE 3: Où est la source de la théologie catholique ?

 

                        Quand, dans les années 70 les jeunes partirent à la recherche de la spiritualité bouddhiste la plus pure, ils n’allèrent pas se renseigner auprès de tel ou de tel érudit de faculté. Ils se déplacèrent sur les lieux et, pour ceux que fascinait le lamaïsme tibétain, c’est auprès du Dalaï lama qu’ils s’informèrent. En cela ils firent bien et évitèrent le risque de perdre leur temps. Ils allèrent à la source même de ce bouddhisme si particulier. Dans l’entreprise qui est la nôtre et qui consiste à rechercher l’enseignement chrétien le plus profond sur les phénomènes paranormaux, il faut faire la même chose. Cette démarche est très importante surtout si l’on regarde la multitude des théologies qui se dénomment chrétiennes. Il y en a de toutes sortes, et toutes se réclament de la Bible: Les Raëliens n’ont-ils pas réussi à y lire la présence des Elohim, ces hommes de l’espace qui se manifestent aujourd’hui dans leurs soucoupes volantes? Les Témoins de Jéhovah n’ont-ils pas démontré que Jésus n’avait pas été crucifié mais pendu à un poteau? Les théologiens de la libération n’ont-ils pas trouvé dans le Magnificat de Marie la première invitation à la lutte des classes?

            Quelle est donc la source de la révélation? Où trouver la plénitude du message chrétien en étant sûr d’aller le plus profond possible?

            Tous les chrétiens sont d’accord sur une chose: la source unique de la révélation est Dieu lui-même. C’est lui, le Dieu Tout Puissant, Créateur du Ciel et de la terre qui à parlé. “Alors qu’un silence paisible enveloppait toute chose, et que la nuit parvenait au milieu de sa course, ta Parole divine s’élança du trône royal ”[1], ainsi parla la Sagesse de la Bible. La somme de ces paroles divines forme ce monument, cette jungle que représente le livre le plus lu au monde, la Bible. Là s’arrête, en gros, l’unanimité des chrétiens. C’est peu et c’est beaucoup. C’est peu car la Bible est un jardin inextricable pour celui qui s’y aventure seul. Elle dit beaucoup de choses et semble se contredire quelques lignes plus loin. Finalement, un habile rhéteur peut lui faire enseigner ce qu’il veut. Comment choisir, par exemple, le véritable portrait de Jésus? Est-ce celui où il se présente lui-même: “ venez à moi, vous qui peinez et ployez sous le fardeau, je vous soulagerai car je suis doux et humble de cœur ” ou cet autre brossé par l’évangéliste saint Jean dans le livre de l’apocalypse: “ sa voix est comme le mugissement des grandes eaux et de sa bouche sort une épée à double tranchant, et son visage, c’est comme le soleil qui brille dans tout son éclat ”[2]. Selon le goût ou l’humeur de chacun, rien n’empêche de privilégier l’un sur l’autre, de faire de Jésus un doux agneau (à la manière des quiétistes) ou au contraire un juge terrible (à la manière des jansénistes). Que n’a-t-on pas fait au nom de la Bible, parole de Dieu? Que n’a t-on pas enseigné?

            Comment donc en trouver la véritable interprétation? Comment être sûr de rejoindre la pensée de Dieu, de ne pas la confondre avec ses propres aspirations? Jésus lui-même répond à cela par deux textes complémentaires. “ Quand il lui, l’Esprit Saint, il vous introduira dans la vérité tout entière ”[3] et “ Pierre, tu es Pierre, et sur cette Pierre je bâtirai mon Église... ”. “ Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères ”[4]. Le premier texte montre que nul ne peut réellement comprendre la parole de Dieu, si l’Esprit Saint qui est en l’auteur ne l’éclaire. Il faut être inspiré pour comprendre une parole inspirée. C’est déjà vrai au niveau de la poésie. Chacun expérimente qu’il faut un certain climat, un certain état d’esprit pour goûter un poème. En ce qui concerne la parole de Dieu, c’est encore plus vrai, surtout si l’on comprend qu’il existe un abîme entre les pensées des hommes et celles de Dieu. La parole de Dieu est un jardin bien clos, une source scellée, réservée à ceux qui vivent avec Dieu. La prière en est la clef. La deuxième parole citée plus haut vient compléter et rectifier ce qu’il y aurait d’insuffisant dans la première. Il est en effet facile de confondre l’inspiration de l’Esprit Saint avec son propre imaginaire. Psychologiquement, les effets sont les mêmes. C’est pourquoi Dieu a établi une référence objective, un “ Magistère ”[5] qu’il s’est engagé à protéger de l’erreur, à rendre infaillible: “ j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas ”[6].

            Il est important de bien comprendre ce qu’on entend par infaillibilité du Pape. Aucun homme n’est infaillible par lui-même, pas même Pierre. Etre faillible, c’est être capable de commettre une faute. Or il existe deux types de fautes: des fautes morales (le péché) et des fautes intellectuelles (l’erreur). Pierre n’a pas cessé de commettre des fautes morales, même après que Jésus lui ait promis qu’il ne faillirait pas dans sa foi. Ses fautes morales furent parfois graves, à cause de sa situation de colonne de l’Église, au point que saint Paul n’a pas hésité à le reprendre: Pierre par exemple était d’accord avec Paul pour enseigner que les usages donnés par Moïse étaient inutiles et périmés après la venue du Christ qu’ils annonçaient. Or, par peur de la réaction des Juifs, il continuait à se comporter en Juif en leur présence. Il agissait ainsi par respect humain et risquait de troubler la foi des chrétiens issus du paganisme. Paul dut donc reprendre Pierre en face devant toute l’assemblée et Pierre confessa ses torts. De la même façon, les successeurs de pierre furent faillibles moralement. On se souvient du pape Borgias (Alexandre VI) qui scandalisa l’Église par sa vie débauchée. Il ne fut pas le pire. La parole de Dieu à Pierre ne disait pas en effet “ j’ai prié pour que tu sois immaculée ”mais“ j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas ”. C’est donc uniquement sur les erreurs d’ordre intellectuel, concernant la foi, que Jésus prie pour Pierre dans ce passage d’Evangile. Si on lit attentivement l’Evangile, on s’aperçoit qu’il existe donc deux sortes d’infaillibilité dans l’Église: celle de ceux qui vivent de l’Esprit Saint, promis par Jésus quand il dit: “ Je vous enverrai l’Esprit Saint qui vous conduira à la vérité tout entière”[7] et celle de Pierre, le chef suprême de l’Église, qui est un charisme, promis par Jésus et indépendant de la sainteté personnelle de l’homme qui le reçoit. La première infaillibilité peut être vécue par tous, dans le dialogue cœur à cœur avec l’Esprit de Dieu. La deuxième est là pour confirmer ce qu’il y a de vraiment divin dans la première. Elle est comme un rocher sur lequel tout chrétien peut s’appuyer car c’est Dieu lui-même qui le rend ferme “ tu es Pierre ”[8]. Elle est un rocher sur lequel tout chrétien doit s’appuyer car rien ne l’assure de l’origine divine de ce qu’il croit comprendre sur Dieu, si ce n’est Pierre. Les chrétiens des premiers siècles, en Orient comme en occident, crurent à l’infaillibilité du Pape. Saint Ignace écrit dans les années 100 que “ l’Église de Rome préside ”. Les siècles suivants diront que “ c’est Dieu qui parle par la bouche du Pape ”. Le concile Vatican I précisera les moments ou s’exerce l’infaillibilité et le concile Vatican II développera encore cet exposé dogmatique[9]. Le Pape n’utilise son charisme d’infaillibilité que lorsqu’il parle en tant que chef de l’Église: Le Pape, en privé, peut avoir des opinions théologiques sans être infaillible. Elle ne s’exerce que dans le domaine de la foi (ce qu’on doit croire comme révélé par Dieu) et de la morale (manière dont Dieu veut que nous agissions). Le Pape Jean Paul II n’est pas infaillible en astronomie, en politique... Or le pape (ou les évêques unis au Pape) peut exercer son infaillibilité de deux manières: d’une manière habituelle quand il donne l’interprétation véritable des écritures, quand il rappelle les vérités explicitement révélées dans l’Evangile. C’est le cas de la plupart des encycliques des enseignements catéchétique, comportant un enseignement théologique ou moral. D’autre part, le pape ou le concile uni au pape, peut exercer l’infaillibilité pour enseigner une vérité non explicitement révélée dans l’Ecriture mais que l’Esprit Saint veut donner aux hommes. Cette infaillibilité, emprunte d’un caractère solennel fut définie au concile Vatican I et n’a été que rarement utilisée: le dogme de l’Immaculée Conception, celui de l’Assomption de Marie. Beaucoup de théologiens, gênés par l’infaillibilité pontificale qu’ils considéraient comme une atteinte à leur liberté de penser, essayèrent de montrer qu’elle ne s’était exercée que 2 ou 3 fois et dans les cas précités. C’était une manière habile de se débarrasser d’une tutelle gênante pour eux. Le concile Vatican II dut donc rappeler ce qu’est l’infaillibilité habituelle du magistère de l’Église. Récemment, le cardinal Ratzinger, chargé de la congrégation romaine sur la foi à éditer un document rappelant en une phrase tout cela: “ le peuple de Dieu, par le sens surnaturel de la foi, jouit de l’infaillibilité, sous la conduite du Magistère vivant de l’Église qui, en vertu de l’autorité exercée au nom du Christ, est le seul interprète authentique de la parole de Dieu, écrite ou transmise ”[10].

 

Bien loin d’être une atteinte à la liberté de penser, le Magistère de l’Église est une aide et une sécurité pour le théologien: qu’y a t-il de pire pour celui qui enseigne Dieu que d’enseigner autre chose que Dieu? Qu’y a t-il de plus merveilleux pour lui que de savoir, d’être certain, qu’il sert Dieu comme Dieu le veut? Il ne s’agit plus alors d’inventer un nouvel Evangile. Il s’agit, partant de l’unique Evangile de Jésus, d’en extraire tout ce qui y est contenu et de le livrer pour le service de ses frères. Il y a là un travail immense et la créativité de 2000 ans d’Église n’y a pas suffit. La philosophie dans ce qu’elle dit de vrai, la science, la psychologie, la sociologie sont chacune les bienvenues pour aider cette oeuvre sans fin. Appuyé sur le rocher infaillible de ce que l’Église a défini par son Magistère, humblement à l’écoute de ce que les plus grands témoins de la tradition ont enseigné avant lui, le théologien eut alors sans crainte émettre les hypothèses les plus hardies. Il le doit même, car l’Église le lui demande.

 

                        En ce qui concerne les phénomènes paranormaux, la méthode d’étude théologique ainsi décrite peut et doit être utilisée. Dans ce domaine, il existe certains points où le Magistère de l’Église s’est prononcé infailliblement et d’une manière solennelle. Il existe d’autres points où l’Église ne fait que donner des pistes de recherches pour aider à une intelligence plus profonde de la révélation; Il en existe enfin un troisième groupe où elle laisse entière liberté. Aux premiers points, je réponds par la foi: je crois de tout mon cœur à cette vérité révélée et enseignée par l’Église. Aux second, je réponds par « l’assentiment religieux de ma volonté et de mon cœur »[11]. Quant aux troisièmes, j’espère mettre à profit toutes les ressources de la science et de la philosophie pour les préciser. Parmi les seconds, c’est-à-dire parmi ces pistes de recherche données par l’Église, je crois important de citer ici certains maîtres qu’elle a toujours considérés comme des docteurs dignes de confiance. Elle a sans cesse encouragée les chercheurs de Dieu à se mettre à leur école: Saint Augustin d’abord, qui est l’initiateur de la théologie en Occident et surtout saint Thomas d’Aquin qu’on a surnommé le Docteur Commun, c’est-à-dire le maître de tous. Un pape n’hésitait pas à affirmer qu’une année passée avec saint Thomas d’Aquin valait mieux que toute une vie avec n’importe quel théologien[12]. Or saint Thomas d’Aquin a largement traité des phénomènes paranormaux d’une manière à la fois philosophique et théologique. Je me servirai de lui abondamment et surtout de sa Somme Théologique. Ces quelques pages suffisent, je l’espère, à montrer vers quelles sources je me tournerai dans cette recherche sur les phénomènes paranormaux.


 

[1] Sagesse 18, 14 ;

[2] Apocalypse 1, 15 et 16 ;

[3] Evangile de saint Jean 16, 13; (3) Evangile de saint Matthieu 16, 18;

[4] Evangile de saint Luc 22, 31-32;

[5] Du latin « Maître » ;

[6] Evangile de saint Luc 22, 32.

[7] Evangile de saint Jean XVI, 13;

[8] Evangile de saint Matthieu 16, 18;

[9] dans la constitution Lumen Gentium n°25 ;

[10] la vocation du théologien du 24 mai 1990 n°13.

[11] C’est l’expression du Concile Vatican II ;

[12] Pie X, Motu Proprio du 29 juin 1914 ;