IRÉNÉE DE LYON
DÉNONCIATION ET RÉFUTATION DE LA GNOSE
Édition par Antoine Beltrano et par www.JESUSMARIE.com
LIVRE V
TROISIÈME PARTIE
L'IDENTITÉ
DU DIEU CRÉATEUR ET DU DIEU PÈRE PROUVÉE PAR L'ENSEIGNEMENT DES ÉCRITURES
RELATIF A LA FIN DES TEMPS
L'apostasie
de l'Antéchrist et sa prétention à être adoré comme Dieu dans le Temple de
Jérusalem
Le juste
jugement de Dieu contre Satan et tous ceux qui participent à son apostasie.
Le
chiffre du nom de l'Antéchrist, annonce de la récapitulation de toute
l'apostasie en sa personne
Le
chiffre du nom de l'Antéchrist permet-il de connaître ce nom avec certitude dès
à présent ?
II.
LA « RÉSURRECTION DES JUSTES »
Etapes
progressives dans l'acheminement des justes vers la vie céleste
Le
royaume des justes, accomplissement de la promesse faite par Dieu aux pères
L'héritage
de la terre annoncé par le Christ et prophétisé par la bénédiction de Jacob et
par Isaïe
Israël
rétabli dans sa terre, afin d'y avoir part aux biens du Seigneur
Jérusalem
glorieusement rebâtie
Après
le royaume des justes : la Jérusalem d'en haut et le royaume du Père
25, 1. Non
seulement par ce qui vient d'être dit, mais encore par les événements qui
auront lieu au temps de l'Antéchrist, il apparaît que le diable veut se faire
adorer comme Dieu, alors qu'il n'est qu'un apostat et un brigand, et se faire
proclamer roi, alors qu'il n'est qu'un esclave. Car l'Antéchrist, après avoir
reçu toute la puissance du diable, viendra, non comme un roi juste ni comme
soumis à Dieu et docile à sa loi, mais en impie et en effréné, comme un
apostat, un injuste et un meurtrier, comme un brigand, récapitulant en lui
toute l'apostasie du diable; il jettera bien à bas les idoles pour faire croire
qu'il est Dieu, mais il se dressera lui-même comme l'unique idole qui
concentrera en elle l'erreur multiforme de toutes les autres idoles, afin que
ceux qui adoraient le diable par le truchement d'une multitude d'abominations
le servent par l'entremise de cette unique idole. C'est de cet Antéchrist que
l'Apôtre dit dans sa deuxième épître aux Thessaloniciens
: « Car il faut que vienne d'abord l'apostasie et que se révèle l'homme de
péché, le fils de la perdition, l'Adversaire, celui qui s'élève au-dessus de
tout ce qui s'appelle dieu ou objet de culte, jusqu'à siéger en qualité de Dieu
dans le Temple de Dieu, en se donnant lui-même comme Dieu[1].
» L'Apôtre indique donc de façon évidente et l'apostasie de l'Antéchrist et le
fait qu'il s'élèvera au-dessus de tout ce qui s'appelle dieu ou objet de culte,
c'est-à-dire de toute idole — car ce sont bien là les êtres qui sont dits «
dieux » par les hommes, mais ne le sont pas, — et qu'il tentera d'une
manière tyrannique de se faire passer pour Dieu.
25, 2. En outre, il
fait connaître une chose que nous avons déjà abondamment démontrée, à savoir
que le Temple de Jérusalem avait été bâti conformément à une prescription du
vrai Dieu. Car l'Apôtre lui-même, parlant en son propre nom, l'appelle
proprement «Temple de Dieu». Or nous avons montré dans le troisième livre que
nul autre n'est appelé Dieu par les apôtres parlant en leur propre nom, hormis
le vrai Dieu, le Père de notre Seigneur. C'est donc sur son ordre qu'avait été
bâti le Temple de Jérusalem, pour les motifs que nous avons dits
antérieurement. Et c'est précisément dans ce Temple que siégera l'Adversaire,
lorsqu'il tentera de se faire passer pour le Christ, selon ce que dit aussi le
Seigneur : « Quand vous verrez l'abomination de la désolation, dont a parlé le
prophète Daniel, dressée dans le lieu saint — que celui qui lit comprenne ! —
alors, que ceux qui seront en Judée s'enfuient dans les montagnes, que celui
qui sera sur la terrasse ne descende pas prendre quelque chose dans sa maison !
Car il y aura alors une grande tribulation, telle qu'il n'y en a pas eu depuis
le commencement du monde jusqu'à présent et qu'il n'y en aura plus[2].
»
25, 3. Or Daniel,
contemplant la fin du dernier royaume, c'est-à-dire les dix derniers rois entre
lesquels sera partagé le royaume de ceux sur lesquels viendra le fils de
perdition, dit que dix cornes poussèrent à la bête, puis qu'une autre corne,
petite, poussa au milieu d'elles, puis que trois des premières cornes furent
arrachées devant cette dernière[3]. « Et voici, dit-il, que cette
corne avait des yeux comme des yeux d'homme et une bouche proférant de grandes
choses, et son aspect était plus grand que celui des autres. Je regardais, et
cette corne faisait la guerre aux saints et l'emportait sur eux, jusqu'à ce que
vînt l'Ancien des jours, qu'il donnât le jugement aux saints du Très-Haut, que
le temps arrivât et que les saints prissent possession du royaume[4].
» Ensuite, dans l'explication des visions, il lui fut dit : « La quatrième
bête, c'est un quatrième royaume qui sera sur la terre : il l'emportera sur
tous les autres royaumes, dévorera toute la terre, la foulera aux pieds et la
mettra en pièces. Les dix cornes de cette bête, ce sont dix rois qui se
lèveront; après eux, il s'en lèvera un autre, qui l'emportera en méchanceté sur
tous ses prédécesseurs ; il abattra trois rois, il proférera des paroles contre
le Très-Haut, il opprimera les saints du Très-Haut, et il formera le dessein de
changer les temps et la Loi, et la possibilité lui en sera donnée jusqu'à un
temps, des temps et une moitié de temps[5]», c'est-à-dire durant trois ans et
six mois, laps de temps pendant lequel, à dater de sa venue, il régnera
despotiquement sur la terre.
A son sujet,
l'apôtre Paul dit encore dans la deuxième épître aux Thessaloniciens,
annonçant en même temps le motif de sa venue : « Et alors se révélera l'Impie,
que le Seigneur Jésus tuera du souffle de sa bouche et anéantira par l'éclat de
sa venue, — l'Impie dont la venue s'accompagnera, grâce à l'intervention de
Satan, de toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers et de
toutes les séductions de l'iniquité, à l'adresse de ceux qui se perdent pour
n'avoir pas accueilli l'amour de la vérité qui les eût sauvés. Et c'est
pourquoi Dieu leur envoie une Puissance d'égarement pour qu'ils croient au
mensonge, afin que soient condamnés tous ceux qui n'auront pas cru à la vérité,
mais se seront complu dans l'iniquité[6]. »
25, 4. Le Seigneur
disait de même à ceux qui ne croyaient pas en lui : «Je suis venu au nom de mon
Père, et vous ne me recevez pas ; qu'un autre vienne en son propre nom, et vous
le recevrez[7] » : par ce mot « autre » il
entendait l'Antéchrist, parce qu'il est étranger à Dieu. C'est lui aussi qui
est ce juge inique[8]
dont le Seigneur a dit qu'«il ne craignait pas Dieu et ne faisait aucun cas des
hommes[9] »,
et vers lequel se réfugia la veuve oublieuse de Dieu, c'est-à-dire la Jérusalem
terrestre, pour réclamer vengeance de son ennemi[10]. C'est précisément ce que fera
l'Antéchrist au temps de son règne : il transportera sa royauté dans Jérusalem
et siégera dans le Temple de Dieu, persuadant insidieusement à ses adorateurs
qu'il est le Christ.
C'est pourquoi
Daniel dit encore : « Le sanctuaire sera dévasté; le péché a remplacé le
sacrifice et la justice a été jetée par terre ; il a fait cela, et cela lui a réussi[11].
» Et l'ange Gabriel, expliquant à Daniel les visions, disait de ce même
Antéchrist : « A la fin de leur règne se lèvera un roi impudent de visage et
habile à saisir les problèmes. Sa force sera considérable; il fera de
prodigieux ravages, réussira dans ses entreprises, fera périr les puissants et
le peuple saint; le joug de son carcan s'affermira; la ruse sera dans sa main
et il s'enorgueillira dans son cœur ; par la ruse il fera périr beaucoup de
gens et se dressera pour la perte d'un grand nombre ; il les brisera de sa main
comme des œufs[12]. » Dans la suite, l'ange indique
encore le temps de sa domination tyrannique, temps durant lequel seront
persécutés les saints qui offrent à Dieu un sacrifice pur : « A la moitié de la
semaine, dit-il, cesseront mon sacrifice et ma libation, et dans le sanctuaire
sera l'abomination de la désolation, et jusqu'à la consommation du temps la
consommation sera donnée par-dessus la désolation[13].
» La « moitié de la semaine», ce sont trois ans et six mois.
25, 5. Tout cela ne nous fait pas
seulement connaître ce qui a trait à l'apostasie et à celui qui récapitulera en
lui toute l'erreur diabolique, mais nous indique aussi qu'il n'y a qu'un seul
et même Dieu Père, à savoir Celui qui fut annoncé par les prophètes et
manifesté par le Christ. Car, si les prophéties de Daniel relatives à la fin
des temps ont été confirmées par le Seigneur — « Quand vous verrez, dit
celui-ci, l'abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel[14]...
» — ; si, d'autre part, Daniel a reçu de l'ange Gabriel l'explication de ses
visions et si ce dernier est tout à la fois l'archange du Créateur et celui qui
annonça à Marie la bonne nouvelle de la venue visible et de l'incarnation du Christ[15]
: la preuve est faite avec évidence qu'il n'y a qu'un seul et même Dieu, qui a
envoyé les prophètes, puis a envoyé son Fils, et nous a ainsi appelés à sa
connaissance.
La division du dernier royaume et le
triomphe final du Christ.
26, 1. Une
révélation plus claire encore, au sujet des derniers temps et des dix rois
entre lesquels sera alors divisé l'empire qui domine maintenant, a été faite
par Jean, le disciple du Seigneur, dans son Apocalypse. Expliquant quelles
étaient les dix cornes vues par Daniel, Jean rapporte qu'il lui fut dit : « Les
dix cornes que tu as vues sont dix rois, qui n'ont pas encore reçu de royaume,
mais qui recevront pouvoir comme rois, pour une heure, avec la bête. Ils n'ont
qu'une pensée : faire hommage à la bête de leur force et de leur pouvoir. Ils
feront la guerre à l'Agneau, et l'Agneau les vaincra, parce qu'il est le
Seigneur des seigneurs et le Roi des rois[16] ». Il est donc clair que celui
qui doit venir tuera trois de ces dix rois, que les autres lui seront soumis et
qu'il sera lui-même le huitième d'entre eux; ils dévasteront Babylone et la
réduiront en cendres, feront hommage de leur royauté à la bête et persécuteront
l'Eglise ; après quoi ils seront anéantis par l'apparition de notre Seigneur.
Que le royaume
doive être divisé et, par là, aller à sa perte, le Seigneur l'a dit : « Tout
royaume divisé contre lui-même court à sa ruine, et toute ville ou maison
divisée contre elle-même ne saurait se maintenir[17]. » Le royaume, la ville et la
maison doivent donc être divisés en dix parties, et c'est pourquoi le Seigneur
a d'ores et déjà prédit ce partage et cette division.
Daniel identifie,
lui aussi, de façon précise, la fin du quatrième royaume avec les orteils de la
statue vue par Nabuchodonosor, orteils que vint heurter la pierre détachée sans
l'intervention d'une main. Voici ses paroles : « Les pieds de la statue étaient
en partie de fer et en partie d'argile ; une pierre fut alors détachée, sans
l'intervention d'une main, frappa la statue à ses pieds de fer et d'argile et
les brisa complètement [18].
» Plus loin, dans l'explication de cette vision, il dit : « Si tu as vu les
pieds et les orteils en partie d'argile et en partie de fer, c'est que ce sera
un royaume divisé ; il y aura en lui de la stabilité du fer, selon que tu as vu
du fer mêlé à l'argile. Et les orteils étaient en partie de fer et en partie
d'argile [19].
» Ces dix orteils sont donc les dix rois entre lesquels sera divisé le royaume
; de ces rois, les uns seront forts et agissants, tandis que les autres seront
faibles et oisifs, et ils ne s'accorderont pas entre eux, selon ce que dit
encore Daniel : « Une partie du royaume sera forte, et par elle l'autre partie
sera brisée. Si tu as vu le fer mêlé à l'argile, c'est qu'ils seront mêlés de
semence d'homme ; et ils n'adhéreront pas l'un à l'autre, de même que le fer ne
peut s'allier avec l'argile[20]. » Le prophète dit aussi ce qui
doit survenir à la fin : « Dans le temps de ces rois, le Dieu du ciel suscitera
un royaume qui ne sera jamais détruit et dont la souveraineté ne sera pas
laissée à un autre peuple. Il brisera et anéantira tous les royaumes, et
lui-même sera exalté à jamais, selon que tu as vu une pierre se détacher de la
montagne, sans l'intervention d'une main, et briser l'argile, le fer, l'airain,
l'argent et l'or. Le grand Dieu a fait connaître au roi ce qui doit arriver
dans la suite : le songe est véritable et son interprétation certaine[21].
»
26, 2. Si donc le « grand Dieu » a fait
connaître l'avenir par Daniel et a confirmé cette prophétie par son Fils ; si,
de plus, le Christ est la pierre détachée sans l'intervention d'une main, qui
doit anéantir les royaumes temporels et amener le royaume éternel, c'est-à-dire
la résurrection des justes[22] — car « le Dieu du ciel, est-il
dit, suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit[23]» — : qu'ils s'avouent vaincus et
reviennent à résipiscence, ceux qui, rejetant le Créateur, n'admettent pas que
les prophètes aient été envoyés par le Père même de la part de qui est venu le
Seigneur, mais affirment que les prophéties provenaient de différentes
Puissances. Car, ce que le Créateur avait prédit d'une façon identique par tous
les prophètes, cela même le Christ l'a accompli à la fin, exécutant la volonté
de son Père et réalisant son « économie » humaine. Ceux donc qui blasphèment le
Créateur — soit en propres termes et ouvertement, comme les disciples de
Marcion, soit par des détours de pensée, comme les disciples de Valentin et
tous les « Gnostiques » au nom menteur, — qu'ils soient tenus par tous
les gens pieux pour des instruments de Satan, par l'entremise desquels celui-ci
a entrepris, de nos jours, ce qu'il n'avait pas encore entrepris auparavant, à
savoir de maudire Dieu, qui a préparé le feu éternel pour toute l'apostasie[24].
Car il n'ose blasphémer son Seigneur par
lui-même et à découvert, de même que, au commencement, c'est par l'entremise du
serpent qu'il a séduit l'homme, comme pour se dérober aux regards de Dieu. Et
c'est à bon droit que Justin a dit qu'avant la venue du Seigneur, Satan n'avait
jamais osé blasphémer Dieu, parce qu'il ignorait encore sa condamnation : car
c'est en paraboles et en allégories que les prophètes avaient parlé de lui.
Mais depuis la venue du Seigneur, par les paroles du Christ et de ses apôtres,
il sait de façon claire qu'un feu éternel a été préparé pour lui[25],
qui s'est séparé de Dieu de son propre mouvement, et pour tous ceux qui,
refusant de faire pénitence, auront persévéré dans l'apostasie. Aussi, par les
hommes de cette sorte, blasphème-t-il le Seigneur qui doit faire venir le
jugement, comme quelqu'un qui est déjà condamné, et impute-t-il son péché
d'apostasie à son Créateur et non à sa libre décision, à la manière de ces
transgresseurs des lois qui, venant à subir leur peine, incriminent le
législateur au lieu de s'en prendre à eux-mêmes. De même aussi ces gens,
remplis d'un esprit diabolique, profèrent d'innombrables accusations à
l'adresse de Celui qui nous a faits, nous a donné l'Esprit de vie et a établi
une loi appropriée à tous, et ils n'admettent pas que soit juste le jugement de
Dieu : c'est pourquoi ils imaginent un autre Père, qui n'aurait ni souci ni
soin de nos affaires, ou même approuverait tous les péchés.
27, 1. Car, si le Père ne juge pas, c'est
qu'il n'a nul souci de nos actes, ou qu'il approuve tout ce que nous faisons.
Du même coup, s'il ne juge pas, tous les hommes seront sur un pied d'égalité et
se verront assigner un rang identique. Superflue est, dès lors, la venue du
Christ. Celle-ci est même en contradiction avec l'absence d'un jugement de sa
part. Car, précisément, « il est venu pour séparer l'homme de son père, la
fille de sa mère, la bru de sa belle-mère »[26] ; pour, de deux hommes étendus sur
le même lit, prendre l'un et laisser l'autre[27] et, de deux femmes occupées à
moudre ensemble, prendre l'une et laisser l'autre; pour ordonner aux
moissonneurs, à la fin des temps, de ramasser d'abord l'ivraie, de la lier en
bottes et de la brûler dans un feu inextinguible, puis d'amasser le froment
dans le grenier[28];
enfin pour appeler les agneaux au royaume préparé pour eux et envoyer les boucs
au feu éternel préparé par le Père pour le diable et ses anges[29]. Qu'est-ce
donc à dire ? Que le Verbe est venu « pour la chute et le relèvement d'un grand
nombre[30]
» : pour la chute de ceux qui ne croient pas en lui et qu'il a menacés, au jour
du jugement, d'une peine plus sévère que celle de Sodome et de Gomorrhe[31], et pour le
relèvement de ceux qui croient et font la volonté de son Père qui est dans les
cieux[32]. Si
donc la venue du Fils, tout en atteignant pareillement tous les hommes, est
cependant propre à opérer un jugement et à séparer les croyants d'avec les
incrédules — car c'est de leur propre mouvement que les croyants font sa
volonté, comme c'est aussi de leur propre mouvement que les incrédules ne
reçoivent pas son enseignement, — il est clair que son Père aussi a créé
pareillement tous les hommes possédant chacun sa propre capacité de décision et
son libre arbitre, mais qu'il n'en veille et n'en pourvoit pas moins à toutes
choses, « faisant lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et
pleuvoir sur les justes et sur les injustes[33]».
27, 2. Et à tous ceux qui gardent son amour,
il accorde sa communion. Or la communion de Dieu, c'est la vie, la lumière et
la jouissance des biens venant de lui. Au contraire, à tous ceux qui se
séparent volontairement de lui, il inflige la séparation qu'eux-mêmes ont
choisie. Or la séparation d'avec Dieu, c'est la mort; la séparation d'avec la
lumière, ce sont les ténèbres ; la séparation d'avec Dieu, c'est la perte de
tous les biens venant de lui. Ceux donc qui, par leur apostasie, ont perdu ce
que nous venons de dire, étant privés de tous les biens, sont plongés dans tous
les châtiments : non que Dieu prenne les devants pour les châtier, mais le
châtiment les suit par là même qu'ils sont privés de tous les biens. Or
éternels et sans fin sont les biens venant de Dieu : c'est pourquoi leur privation
est, elle aussi, éternelle et sans fin. De la même manière, parce que la
lumière est chose permanente, ceux qui se sont aveuglés eux-mêmes ou ont été
aveuglés par d'autres sont privés d'une façon permanente de la jouissance de la
lumière, non que la lumière leur inflige la peine contenue dans la cécité, mais
parce que la cécité elle-même entraîne pour eux ce malheur.
C'est pourquoi le Seigneur disait : «
Celui qui croit en moi n'est pas jugé[34]» ; autrement dit, il n'est pas
séparé de Dieu, puisqu'il est uni à Dieu par la foi. «Mais, ajoute-t-il, celui
qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique
de Dieu[35] » ; autrement dit, il s'est
lui-même séparé de Dieu par sa libre décision. « Car en ceci consiste le
jugement : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les
ténèbres à la lumière. Car quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient
pas vers la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démasquées. Mais celui
qui fait la vérité vient vers la lumière, afin qu'il apparaisse que ses œuvres
sont faites en Dieu[36]. »
28, 1. Ainsi donc, parce qu'en ce monde
les uns accourent à la lumière et s'unissent à Dieu par la foi, tandis que les
autres s'éloignent de la lumière et se séparent de Dieu, le Verbe de Dieu
viendra assigner à tous une demeure appropriée : aux uns, dans la lumière, pour
qu'ils jouissent des biens qu'elle contient ; aux autres, dans les ténèbres,
pour qu'ils aient en partage la peine qu'elles renferment. Et c'est pourquoi le
Seigneur dit qu'il appellera ceux de la droite au royaume du Père, tandis qu'il
enverra ceux de la gauche au feu éternel[37] : car ces derniers se seront
eux-mêmes privés de tous les biens.
28, 2. Et c'est pourquoi l'Apôtre dit : «
Parce qu'ils n'ont pas accueilli l'amour de Dieu qui les eût sauvés, pour ce
motif même Dieu leur envoie une Puissance d'égarement pour qu'ils croient au
mensonge, afin que soient condamnés tous ceux qui n'auront pas cru à la vérité,
mais se seront complu dans l'iniquité[38]. » Car, pour ce qui est de celui
qui doit venir, c'est volontairement qu'il récapitulera l'apostasie en
lui-même, comme c'est de son propre mouvement qu'il fera tout ce qu'il fera et
qu'il siégera dans le Temple de Dieu afin d'être adoré, en qualité de Christ,
par ceux qu'il aura trompés[39] : aussi sera-t-il justement
précipité dans l'étang de feu[40]. Quant à Dieu, il sait par avance
toutes choses grâce à sa prescience et, au moment convenable, il enverra celui
qui doit être tel, « pour que les hommes croient au mensonge, afin que soient
condamnés tous ceux qui n'auront pas cru à la vérité, mais se seront complu
dans l'iniquité[41] ».
Sa venue est décrite par Jean, dans l'Apocalypse,
de la manière suivante : « La bête que je vis ressemblait à un léopard; ses
pieds étaient comme ceux d'un ours, et sa gueule était comme une gueule de
lion. Le dragon lui donna sa puissance, son trône et un grand pouvoir. Je vis
l'une de ses têtes comme blessée à mort ; mais sa plaie mortelle fut guérie. Et
toute la terre s'émerveilla derrière la bête, et l'on adora le dragon, parce
qu'il avait donné le pouvoir à la bête, et l'on adora la bête en disant : Qui
est semblable à la bête, et qui peut lutter avec elle ? Il lui fut donné une
bouche proférant des paroles arrogantes et des blasphèmes. Il lui fut donné
pouvoir d'agir pendant quarante-deux mois. Elle ouvrit sa bouche pour proférer
des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom et sa demeure et ceux qui
habitent dans le ciel. Il lui fut donné pouvoir sur toute tribu, tout peuple,
toute langue et toute nation. Tous les habitants de la terre l'adoreront, elle
dont le nom n'est pas écrit depuis la fondation du monde dans le livre de vie
de l'Agneau immolé. Si quelqu'un a des oreilles, qu'il entende ! Si quelqu'un
mène en captivité, il ira en captivité. Si quelqu'un tue par l'épée, il faut
qu'il soit tué par l'épée. C'est ici la persévérance et la foi des saints[42].
» Jean parle ensuite de l'écuyer de la bête, qu'il appelle aussi le faux
prophète : « Il parlait, dit-il, comme un dragon. Tout le pouvoir de la
première bête, il l'exerce en sa présence. Il amène la terre et ses habitants à
adorer la première bête, celle dont la plaie mortelle a été guérie. Il opère de
grands prodiges, jusqu'à faire descendre le feu du ciel sur la terre, à la vue
des hommes. Il séduit les habitants de la terre[43].
» Cela, pour qu'on ne croie pas qu'il opère ces prodiges par la puissance
divine, mais bien par une opération magique. Et il n'y a là rien de bien
extraordinaire, en vérité, si c'est avec l'aide des démons et des esprits
apostats qu'il opère les prodiges par lesquels il pourra séduire les habitants
de la terre. « Il ordonnera, poursuit Jean, de faire une image de la bête. Il
animera cette image, au point qu'elle en vienne même à parler, et il fera
mettre à mort tous ceux qui n'adoreront pas cette image. Il fera encore donner
à tous une marque sur le front et sur la main droite, afin que personne ne
puisse acheter ni vendre, s'il n'a la marque du nom de la bête ou le chiffre de
son nom : ce chiffre, c'est six cent soixante-six[44]»,
c'est-à-dire six centaines, six dizaines et six unités, pour récapituler toute
l'apostasie perpétrée durant six mille ans.
28, 3. Car autant de jours a comporté la
création du monde, autant de millénaires comprendra sa durée totale. C'est
pourquoi le livre de la Genèse dit : « Ainsi furent achevés le ciel et la terre
et toute leur parure. Dieu acheva le sixième jour les œuvres qu'il fit, et Dieu
se reposa le septième jour de toutes les œuvres qu'il avait faites[45].»
Ceci est à la fois un récit du passé, tel qu'il se déroula, et une prophétie de
l'avenir : en effet, si « un jour du Seigneur est comme mille ans[46]
» et si la création a été achevée en six jours, il est clair que la
consommation des choses aura lieu la six millième année.
28, 4. C'est pourquoi, durant tout ce
temps, l'homme modelé[47] au commencement par les Mains de
Dieu[48], je
veux dire par le Fils et par l'Esprit, devient à l'image et à la ressemblance
de Dieu[49] :
la paille — c'est-à-dire l'apostasie — est enlevée, tandis que le froment —
c'est-à-dire ceux qui portent comme fruit la foi en Dieu — est introduit dans
le grenier[50].
C'est pourquoi aussi la tribulation est nécessaire à ceux qui sont sauvés, pour
que, étant en quelque sorte moulus, puis pétris par la patience avec le Verbe
de Dieu, et enfin cuits au four, ils soient aptes au festin du Roi. Comme l'a
dit quelqu'un des nôtres, condamné aux bêtes à cause du témoignage rendu par
lui à Dieu : «Je suis le froment du Christ, et je suis moulu par la dent des
bêtes, pour être trouvé un pur pain de Dieu[51]. »
29, 1. Dans les livres précédents, nous
avons donné les motifs pour lesquels Dieu a permis qu'il en fût ainsi, et nous
avons montré que tous les événements de cette sorte se sont accomplis au
bénéfice de l'homme qui est sauvé, faisant mûrir son libre arbitre en vue de
l'immortalité et rendant l'homme plus apte à l'éternelle soumission à Dieu.
Voilà pourquoi la création est dépensée au bénéfice de l'homme : car ce n'est
pas l'homme qui a été fait pour elle, mais elle pour l'homme. Les païens
eux-mêmes, qui n'ont pas levé les yeux vers le ciel, ni rendu grâces à leur
Créateur, ni voulu voir la lumière de la vérité, mais, tels des rats, se sont
enfoncés dans la profondeur de leur folie, ont été justement considérés par
l'Ecriture comme une goutte d'eau suspendue à une cruche, comme un grain de
poussière dans une balance, comme un pur néant[52] : ils sont utiles aux justes,
autant que la tige est utile pour la croissance du blé, et la paille pour la
combustion en vue du travail de l'or. Et c'est pourquoi, à la fin, lorsque
l'Église sera enlevée d'un seul coup d'ici-bas, « il y aura, est-il dit, une
tribulation telle qu'il n'y en a pas eu depuis le commencement et qu'il n'y en
aura plus[53] ». Car ce sera le dernier combat
des justes, où les vainqueurs seront couronnés de l'incorruptibilité.
29, 2. C'est pourquoi aussi, dans la bête
qui doit venir, aura lieu la récapitulation de toute iniquité et de toute
tromperie, afin que toute la puissance de l'apostasie, ayant conflué vers elle
et s'étant ramassée en elle, soit jetée dans la fournaise de feu[54].
C'est donc à juste titre que le nom de la bête aura le chiffre six cent
soixante-six[55],
récapitulant en lui tout le mélange de mal qui se déchaîna avant le déluge par
suite de l'apostasie des anges[56] — car Noé avait six cents ans,
lorsque le déluge survint sur la terre[57] et anéantit les êtres vivants de
la terre[58]
à cause de la génération perverse du temps de Noé[59], — récapitulant aussi toute
l'erreur idolâtrique postérieure au déluge et le meurtre des prophètes et le
supplice du feu infligé aux justes — car la statue dressée par Nabuchodonosor
avait soixante coudées de hauteur et six coudées de largeur[60], et c'est pour avoir refusé de
l'adorer qu'Ananias, Azarias
et Misaël furent jetés dans la fournaise de feu,
prophétisant par cela même qui leur arrivait l'épreuve du feu que subiront les
justes à la fin des temps : toute cette statue a été, en effet, une
préfiguration de l'avènement de celui qui prétendra se faire adorer lui seul
par tous les hommes sans exception —. Ainsi donc, les six cents ans de Noé, au
temps de qui le déluge eut lieu à cause de l'apostasie, et le nombre des
coudées de la statue, à cause de laquelle les justes furent jetés dans la
fournaise de feu, signifient le chiffre du nom de cet homme en lequel sera
récapitulée toute l'apostasie, l'injustice, l'iniquité, la fausse prophétie et
la tromperie de six mille ans, à cause de quoi surviendra le déluge de feu.
30, 1. S'il en est ainsi, si ce chiffre
figure sur toutes les copies se recommandant par leur ancienneté, si ceux qui
ont vu Jean de leurs yeux attestent et si la raison nous enseigne que le
chiffre du nom de la bête, compté à la manière des Grecs à l'aide des lettres
que contient ce nom, est de six cent soixante-six, c'est-à-dire comporte un nombre
de dizaines égal à celui des centaines et un nombre de centaines égal à celui
des unités — car le nombre six conservé partout pareillement indique bien la
récapitulation de toute l'apostasie perpétrée au commencement, au milieu des
temps et à la fin, — je ne sais comment certains ont pu se fourvoyer sous
l'impulsion d'une opinion particulière et répudier le nombre médian,
retranchant de celui-ci cinquante unités et ne voulant qu'une dizaine au lieu
de six. Sans doute y a-t-il eu là une erreur de scribe, telle qu'il s'en
produit couramment du fait que les chiffres sont écrits aussi au moyen de
lettres : car la lettre xi (= 60) s'étend facilement de manière à former un
iota (= 10). Certains ont ensuite accepté le nouveau nombre sans plus ample
examen : les uns l'ont utilisé simplement et sans arrière-pensée ; les autres,
dans leur sottise, se sont aventurés jusqu'à chercher des noms ayant ce nombre
erroné. Ceux qui ont agi simplement et sans penser à mal, on peut croire qu'ils
obtiendront de Dieu leur pardon. Mais tous ceux qui, par vaine gloire,
chercheront à déterminer des noms contenant le nombre erroné et déclareront que
le nom imaginé par eux est celui de l'homme qui doit venir, de telles gens ne
s'en tireront pas sans dommage, pour s'être séduits eux-mêmes et avoir séduit
ceux qui se seront fiés à eux. D'abord, il y a dommage à s'écarter de la vérité
et à prendre ce qui n'est pas pour ce qui est ; ensuite, s'il est vrai que
quiconque ajoute ou retranche à l'Écriture subira un châtiment exemplaire, celui-ci
frappera inéluctablement un homme de cette sorte. Un autre danger encore — et
non négligeable — menace ceux qui s'imaginent faussement savoir le nom de
l'Antéchrist : si ceux-ci opinent pour un nom et que celui-là vienne avec un
autre, ils seront aisément séduits par lui, du fait qu'ils ne croiront pas
encore présent celui dont il leur faudrait se garder.
30, 2. De tels hommes doivent donc
réapprendre et revenir au vrai chiffre du nom de l'Antéchrist, s'ils ne veulent
pas être mis au rang des faux prophètes. Puis, connaissant de façon sûre le
chiffre indiqué par l'Ecriture, c'est-à-dire six cent soixante-six[61], qu'ils
attendent d'abord la division du royaume entre les dix rois ; ensuite, quand
ceux-ci régneront et qu'ils s'imagineront affermir leur pouvoir et étendre leur
empire, l'homme qui surgira alors à l'improviste pour usurper la royauté et
terrifier ces rois et qui portera un nom contenant le chiffre ci-dessus
indiqué, cet homme-là, qu'ils sachent que c'est bien réellement lui «l'abomination
de la désolation[62]».
C'est cela même que dit l'Apôtre : « Quand ils diront : Paix et sécurité, c'est
alors qu'une ruine soudaine fondra sur eux[63]. » De son côté, Jérémie, non
content de souligner la soudaineté de sa venue, avait fait connaître la tribu
d'où il sortirait : « Depuis Dan nous entendrons le bruit de la course de ses
chevaux; au bruit du hennissement de ses coursiers toute la terre sera
épouvantée ; et il viendra, et il dévorera la terre et ce qu'elle renferme, la
ville et ceux qui l'habitent[64]. » C'est pour cette raison que
la tribu de Dan n'est pas comptée, dans l'Apocalypse, parmi celles qui sont sauvées[65].
30, 3. Il est donc plus sûr et moins
dangereux d'attendre l'accomplissement de cette prophétie, que de se livrer à
des recherches et de conjecturer les premiers noms venus, car on peut trouver
un grand nombre de noms ayant le chiffre que nous avons dit, et le problème
n'en demeurera pas moins posé : en effet, si l'on trouve beaucoup de noms ayant
ce chiffre, on se demandera quel est celui d'entre eux que portera l'homme qui
doit venir. Ce n'est pas faute de noms ayant le chiffre du nom de l'Antéchrist
que nous parlons de la sorte, mais par crainte de Dieu et par zèle de la
vérité. Car le mot EuanqaV
(Florissant), par exemple, possède bien le chiffre cherché, mais nous
n'affirmons rien à son sujet pour autant. Le mot LateinoV (Latin) a également le chiffre six cent soixante-six et
est tout à fait digne de créance, puisque le dernier royaume possède
précisément ce nom : car ce sont les Latins qui dominent en ce moment ;
cependant, nous ne nous ferons pas gloire de ce mot. Le mot Teitan (Titan) — en écrivant la première syllabe
avec deux voyelles, l'epsilon et l'iota — est, de tous ceux qui se rencontrent
chez nous, le plus digne de créance. En effet, il possède le chiffre que nous
avons dit et se compose de six lettres, chaque syllabe étant constituée par
trois lettres ; c'est un nom ancien et exceptionnel, car aucun de nos rois ne
s'est appelé Titan, et aucune des idoles publiquement adorées chez les Grecs et
les barbares ne possède ce nom ; ce nom passe même pour divin auprès de
beaucoup, au point que le soleil est appelé Titan par ceux qui dominent en ce
moment; ce nom contient encore l'évocation d'un châtiment et d'un vengeur, et
c'est un fait que l'Antéchrist affectera de venger les victimes des mauvais
traitements ; surtout, enfin, c'est un nom digne d'un roi, et plus encore d'un
tyran. Ainsi, le nom de Titan possède assez de probabilité pour nous permettre
de conclure, à partir d'indices nombreux, qu'il pourrait fort bien être celui
de l'homme qui doit venir. Cependant, nous ne risquerons pas notre fortune sur
lui ni ne déclarerons péremptoirement que l'Antéchrist portera ce nom-là,
sachant que, si son nom avait dû être ouvertement proclamé dès à présent, il
aurait été dit par celui qui a vu l'Apocalypse : car il n'y a pas très
longtemps que celle-ci a été vue, mais cela s'est passé presque au temps de
notre génération, vers la fin du règne de Domitien.
30, 4. En fait, Jean a fait connaître le
chiffre du nom de l'Antéchrist, afin que nous nous gardions de lui lorsqu'il
viendra, sachant qui il est ; mais il a tu son nom,
parce que celui-ci n'était pas digne d'être proclamé par l'Esprit Saint. Si, en
effet, ce nom avait été proclamé par lui, peut-être l'Antéchrist eut-il dû
demeurer longtemps ; mais puisqu'en fait « il était et n'est plus, et qu'il
monte de l'abîme pour aller à sa perte[66]», comme s'il n'était jamais venu
à l'existence, son nom n'a pas été proclamé : car on ne proclame pas le nom de
ce qui n'est pas. Or, après que l'Antéchrist aura réduit le monde entier à
l'état de désert, qu'il aura régné trois ans et six mois et qu'il aura siégé
dans le Temple de Jérusalem, le Seigneur viendra du haut du ciel, sur les
nuées, dans la gloire de son Père[67], et il enverra dans l'étang de feu
l'Antéchrist avec ses fidèles[68] ; il inaugurera en même temps pour
les justes les temps du royaume, c'est-à-dire le repos, le septième jour qui
fut sanctifié[69],
et il donnera à Abraham l'héritage promis : c'est là le royaume en lequel,
selon la parole du Seigneur, « beaucoup viendront du levant et du couchant pour
prendre place à table avec Abraham, Isaac et Jacob[70]».
31, 1. Mais certains, qui passent pour
croire avec rectitude, négligent l'ordre suivant lequel devront progresser les
justes et méconnaissent le rythme selon lequel ils s'exerceront à
l'incorruptibilité. Ils ont ainsi en eux des pensées hérétiques : car les
hérétiques, méprisant l'ouvrage modelé par Dieu et n'acceptant pas le salut de
leur chair, dédaignant aussi, par ailleurs, la promesse de Dieu et dépassant
complètement Dieu par leurs pensées, assurent qu'aussitôt après leur mort ils
monteront par-dessus les cieux et pardessus le Créateur lui-même, pour aller
vers la « Mère », ou vers le Père faussement imaginé par eux. Ceux donc qui
rejettent catégoriquement la résurrection et, autant qu'il dépend d'eux, la
suppriment, qu'y a-t-il d'étonnant s'ils ignorent jusqu'à l'ordre selon lequel
aura lieu cette résurrection ? Ils ne veulent pas comprendre que, si les choses
étaient telles qu'ils le prétendent, le Seigneur lui-même, en qui ils se
targuent de croire, n'aurait pas opéré sa résurrection après trois jours, mais,
après avoir expiré sur la croix, serait aussitôt remonté dans les hauteurs en
abandonnant son corps à la terre. En fait, trois jours durant, il a séjourné là
où étaient les morts, selon ce que le prophète dit de lui : « Le Seigneur s'est
souvenu de ses saints morts qui dormaient dans la terre du tombeau, et il est
descendu vers eux pour les libérer, pour les sauver[71].
» Le Seigneur lui-même dit de son côté : « De même que Jonas fut trois jours et
trois nuits dans le ventre du poisson, ainsi le Fils de l'homme sera dans le
sein de la terre[72]. » Son Apôtre dit aussi : « Que
signifie : "Il est monté", sinon qu'il était descendu dans les
régions inférieures de la terre[73] ? » David, prophétisant de lui,
avait dit de même : « Tu as délivré mon âme des profondeurs de l'enfer[74].
» Et, après être ressuscité le troisième jour, le Seigneur disait à Marie, qui
était la première à le voir et qui s'était jetée à ses pieds : « Ne me touche
pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père ; mais va vers mes disciples
et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père[75].
»
31, 2. Si donc le Seigneur lui-même a
observé la loi des morts, pour devenir le Premier-né des morts[76], s'il a
séjourné trois jours dans les régions inférieures de la terre[77], s'il est ensuite ressuscité dans
sa chair, de façon à pouvoir montrer à ses disciples jusqu'aux marques des
clous[78], et
si après tout cela seulement il est monté vers son Père, comment ne
rougissent-ils pas, ceux qui prétendent que les enfers s'identifient avec notre
monde et que leur « homme intérieur», laissant ici-bas le corps, doit monter
dans le lieu supra céleste ? Puisque le Seigneur « s'en est allé au milieu de
l'ombre de la mort[79]»,
là où étaient les âmes des morts, qu'il est ensuite ressuscité corporellement
et qu'après sa résurrection seulement il a été enlevé au ciel, il est clair
qu'il en ira également de même pour ses disciples, puisque c'est pour eux que
le Seigneur a fait tout cela : leurs âmes iront donc au lieu invisible qui leur
est assigné par Dieu et elles y séjourneront jusqu'à la résurrection, attendant
cette résurrection ; puis elles recouvreront leurs corps et ressusciteront
intégralement, c'est-à-dire corporellement, à la manière même dont le Seigneur
est ressuscité, et elles viendront de la sorte en la présence de Dieu : « car
il n'y a pas de disciple qui soit au-dessus du Maître, mais tout disciple, une
fois devenu parfait, sera comme son Maître[80]». Notre Maître ne s'est pas
aussitôt envolé, mais il a d'abord attendu le moment de sa résurrection,
qu'avait fixé son Père et qu'avait indiqué l'histoire de Jonas, puis il est
ressuscité après trois jours et, ensuite seulement, a été enlevé au ciel :
ainsi nous-mêmes, nous devons d'abord attendre le moment de notre résurrection
arrêté par Dieu et annoncé par les prophètes, puis, une fois ressuscites, nous
serons enlevés au ciel, tous ceux d'entre nous du moins que le Seigneur en aura
jugés dignes.
32, 1. Ainsi donc, certains se laissent
induire en erreur par les discours hérétiques, au point de méconnaître les «
économies » de Dieu et le mystère de la résurrection des justes [81] et du
royaume qui sera le prélude de l'incorruptibilité, royaume par lequel ceux qui
en auront été jugés dignes s'accoutumeront peu à peu à saisir Dieu. Aussi
est-il nécessaire de déclarer à ce sujet que les justes doivent d'abord, dans
ce monde rénové, après être ressuscités à la suite de l'apparition du Seigneur,
recevoir l'héritage promis par Dieu aux pères et y régner ; ensuite seulement
aura lieu le jugement de tous les hommes. Il est juste, en effet, que, dans ce
monde même où ils ont peiné et où ils ont été éprouvés de toutes manières par
la patience, ils recueillent le fruit de cette patience ; que, dans le monde où
ils ont été mis à mort à cause de leur amour pour Dieu, ils retrouvent la vie ;
que, dans le monde où ils ont enduré la servitude, ils règnent. Car Dieu est
riche en tous biens, et tout lui appartient. Il convient donc que le monde
lui-même, restauré en son état premier, soit, sans plus aucun obstacle, au
service des justes. C'est ce que l'Apôtre fait connaître dans son épître aux
Romains, lorsqu'il dit : « La création attend avec un ardent désir la
révélation des fils de Dieu : car elle a été assujettie à la vanité, non
de son gré, mais à cause de celui qui l'y a assujettie, avec l'espérance
qu'elle aussi serait un jour libérée de l'esclavage de la corruption pour avoir
part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu[82].
»
32, 2. De cette manière, également, la
promesse faite jadis par Dieu à Abraham demeure stable. Il lui avait dit, en
effet : « Lève les yeux et, du lieu où tu es, regarde vers le nord et vers le
midi, vers l'orient et vers la mer : toute la terre que tu vois, je la donnerai
à toi et à ta postérité à jamais[83]. » Il lui avait dit encore :
«Lève-toi, parcours la terre dans sa longueur et dans sa largeur, car je te la donnerai[84].
» Pourtant Abraham ne reçut sur terre aucun héritage, pas même un pouce de terrain[85],
mais toujours il y fut « un étranger et un hôte de passage[86] ». Et lorsque mourut Sara, sa
femme, comme les Hétéens voulaient lui donner
gratuitement un lieu pour l'ensevelir, il ne voulut point l'accepter, mais il
acheta un tombeau pour quatre cents didrachmes d'argent à Ephron,
fils de Séor, le Hétéen[87].
Il attendait la promesse de Dieu et ne voulait point paraître recevoir des
hommes ce que Dieu avait promis de lui donner, en disant : «Je donnerai à ta
postérité cette terre, depuis le fleuve d'Egypte jusqu'au grand fleuve, l'Euphrate[88]
» ; et il lui avait énuméré les dix nations qui habitaient toute cette contrée[89]. Si donc
Dieu lui a promis l'héritage de la terre et s'il ne l'a pas reçu durant tout
son séjour ici-bas, il faut qu'il le reçoive avec sa postérité, c'est-à-dire
avec ceux qui craignent Dieu et croient en lui, lors de la résurrection des
justes. Or sa postérité c'est l'Eglise, qui, par le Seigneur, reçoit la
filiation adoptive à l'égard d'Abraham, comme le dit Jean-Baptiste : « Car Dieu
peut, à partir des pierres, susciter des fils à Abraham[90].
» L'Apôtre aussi dit dans son épître aux Galates : « Pour vous, frères, vous
êtes, à la manière d'Isaac, les enfants de la promesse[91].
» Il dit encore clairement, dans la même épître, que ceux qui ont cru au Christ
reçoivent, par le Christ, la promesse faite à Abraham : « C'est à Abraham que
les promesses ont été faites et à sa postérité. On ne dit pas : "et à ses
descendants", au pluriel, mais au singulier : "et à sa
postérité", laquelle n'est autre que le Christ[92].
» Et, pour confirmer tout cela, il dit encore : « C'est ainsi qu'Abraham crut à
Dieu et cela lui fut imputé à justice. Reconnaissez-le donc : ceux qui sont de
la foi, ce sont eux les fils d'Abraham. Or, prévoyant que Dieu justifierait les
gentils par la foi, l'Écriture annonça d'avance à Abraham cette bonne nouvelle
: Toutes les nations seront bénies en toi. Ceux qui sont de la foi sont donc
bénis avec Abraham le croyant[93]. » Ainsi donc, ceux qui sont de
la foi sont bénis avec Abraham le croyant, et ce sont eux les fils d'Abraham.
Or Dieu a promis l'héritage de la terre à Abraham et à sa postérité. Si donc ni
Abraham ni sa postérité, c'est-à-dire ceux qui sont justifiés par la foi, ne
reçoivent maintenant d'héritage sur terre, ils le recevront lors de la
résurrection des justes, car Dieu est véridique et stable en toutes choses. Et
c'est pour ce motif que le Seigneur disait : « Bienheureux les doux, parce
qu'ils posséderont la terre en héritage[94]. »
33, 1. C'est pourquoi, lorsqu'il vint à sa
Passion, pour annoncer à Abraham et à ceux qui étaient avec lui la bonne
nouvelle de l'ouverture de cet héritage, après avoir rendu grâces sur la coupe,
en avoir bu et l'avoir donnée à ses disciples, il leur dit : « Buvez-en tous,
car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui va être répandu
pour un grand nombre en rémission des péchés. Je vous le dis, je ne boirai plus
désormais du fruit de cette vigne, jusqu'au jour où j'en boirai du nouveau avec
vous dans le royaume de mon Père[95]. » Sans aucun doute, c'est dans
l'héritage de la terre qu'il le boira, de cette terre que lui-même renouvellera
et rétablira dans son état premier pour le service de la gloire des enfants de
Dieu, selon ce que dit David : « Il renouvellera la face de la terre[96].
» En promettant d'y boire du fruit de la vigne avec ses disciples, il a fait
connaître ces deux choses : l'héritage de la terre, en lequel sera bu le fruit
nouveau de la vigne, et la résurrection corporelle de ses disciples. Car la
chair qui ressuscitera dans une condition nouvelle est aussi celle-là même qui
aura part à la coupe nouvelle. Ce n'est pas, en effet, alors qu'il serait dans
un lieu supérieur et supra céleste avec ses disciples, que le Seigneur peut
être conçu comme buvant du fruit de la vigne ; et ce ne sont pas davantage des
êtres dépourvus de chair qui pourraient en boire, car la boisson tirée de la
vigne a trait à la chair, non à l'esprit.
33, 2. C'est pourquoi le Seigneur disait :
« Lorsque tu donnes un dîner ou un souper, n'invite pas des riches, ni des
amis, des voisins et des parents, de peur qu'eux aussi ne t'invitent à leur
tour et qu'ils ne te le rendent ; mais invite des estropiés, des aveugles, des
pauvres, et heureux seras-tu de ce qu'ils n'ont pas de quoi te rendre, car cela
te sera rendu lors de la résurrection des justes[97]. » Il dit encore : « Quiconque
aura quitté champs, ou maisons, ou parents, ou frères, ou enfants à cause de
moi, recevra le centuple en ce siècle et héritera de la vie éternelle dans le
siècle à venir[98].
» Quel est en effet le centuple que l'on recevra en ce siècle, et quels sont
les dîners et les soupers qui auront été donnés aux pauvres et qui seront
rendus ? Ce sont ceux qui auront lieu au temps du royaume, c'est-à-dire en ce
septième jour qui a été sanctifié et en lequel Dieu s'est reposé de toutes les
œuvres qu'il avait faites[99] : vrai sabbat des justes, en
lequel ceux-ci, sans plus avoir à faire aucun travail pénible, auront devant
eux une table préparée par Dieu et regorgeant de tous les mets.
33, 3. C'est le contenu même de cette
bénédiction dont Isaac bénit Jacob, son fils cadet, en lui disant : « Voici que
l'odeur de mon fils est comme l'odeur d'un champ rempli de blé qu'a béni le Seigneur[100].
» Or le champ, c'est le monde[101]. Aussi Isaac ajouta-t-il : «
Que Dieu te donne, de la rosée du ciel et de la graisse de la terre, abondance
de blé et de vin ! Que les nations te servent, et que les princes se
prosternent devant toi ! Sois le seigneur de ton frère, et que les fils de ton
père se prosternent devant toi ! Maudit soit qui te maudira, et béni soit qui
te bénira[102] ! » Si l'on n'entend pas cela
des temps du royaume dont nous venons de parler, on tomber dans des
contradictions et des difficultés considérables,
celles-là mêmes où les Juifs tombent et se débattent. Car non seulement, durant
son séjour sur terre, Jacob ne vit pas les nations le servir, mais, à peine
reçue la bénédiction, ce fut lui qui partit servir son oncle Laban le Syrien
durant vingt ans[103]. Et non seulement il ne devint
pas le seigneur de son frère, mais ce fut lui qui se prosterna devant Isaïe,
quand il revint de Mésopotamie vers son père, et qui lui
offrit quantité de présents[104]. Et l'abondance du blé et
du vin, comment les reçut-il ici-bas en héritage, lui qui, à la suite d'une
famine survenue dans le pays qu'il habitait, émigra en Egypte, pour y devenir
sujet de Pharaon qui régnait alors en Egypte[105]? La bénédiction dont nous venons
de parler se rapporte donc sans conteste aux temps du royaume : alors régneront
les justes, après être ressuscites d'entre les morts et avoir été,
du fait de cette résurrection même, comblés d'honneur par
Dieu ; alors aussi la création, libérée et
renouvelée, produira en abondance toute espèce de nourriture, grâce à la rosée
du ciel et à la graisse de la terre.
C'est ce que les presbytres qui ont vu
Jean, le disciple du Seigneur, se souviennent avoir entendu de lui,
lorsqu'il évoquait l'enseignement du Seigneur relatif à ces temps-là. Voici
donc ces paroles du Seigneur : « Il viendra des jours où des vignes croîtront,
qui auront chacune dix mille ceps, et sur chaque cep dix mille branches, et sur
chaque branche dix mille bourgeons, et sur chaque bourgeon dix mille grappes,
et sur chaque grappe dix mille grains, et chaque grain pressé donnera
vingt-cinq cuves de vin. Et lorsque l'un des saints cueillera une grappe, une
autre grappe lui criera : Je suis meilleure, cueille-moi et, par moi, bénis le
Seigneur ! De même le grain de blé produira dix mille épis, chaque épi aura dix
mille grains et chaque grain donnera cinq tonnes de belle farine ; et il en
sera de même, toute proportion gardée, pour les autres fruits, pour les
semences et pour l'herbe. Et tous les animaux, usant de cette nourriture qu'ils
recevront de la terre, vivront en paix et en harmonie les uns avec les autres
et seront pleinement soumis aux hommes. »
33, 4. Voilà ce que Papias,
auditeur de Jean, familier de Polycarpe, homme vénérable, atteste par écrit
dans le quatrième de ses livres, — car il existe cinq livres composés par lui.
Il ajoute : « Tout cela est croyable pour ceux qui ont la foi. Car,
poursuit-il, comme Judas le traître demeurait incrédule et demandait : Comment
Dieu pourra-t-il créer de tels fruits ? — le Seigneur lui répondit : Ceux-là le
verront, qui vivront jusqu'alors. »
Tels sont donc les temps que prophétisait
Isaïe, lorsqu'il disait : « Le loup paîtra avec l'agneau, le léopard reposera
avec le chevreau ; le veau, le taureau et le lion paîtront ensemble, et un
petit enfant les conduira. Le bœuf et l'ours paîtront ensemble, et leurs petits
seront ensemble ; le lion comme le bœuf mangera de la paille. L'enfant en bas
âge mettra sa main dans le trou de la vipère et dans le gîte des petits de la
vipère, et ils ne feront pas de mal et ils ne pourront plus faire périr
personne sur ma montagne sainte[106]. » Reprenant les mêmes traits,
il dit encore ailleurs : « Alors loups et agneaux paîtront ensemble ; le lion,
comme le bœuf, mangera de la paille, et le serpent mangera de la terre en guise
de pain, et ils ne feront ni mal ni dommage sur ma montagne sainte, dit le Seigneur[107].
» Certains, je ne l'ignore pas, tentent d'appliquer ces textes de façon
métaphorique à ces hommes sauvages qui, issus de diverses nations et ayant eu
toute espèce de comportements, ont embrassé la foi et, depuis qu'ils ont cru,
vivent en bonne entente avec les justes. Mais, même si cela a lieu dès à
présent pour des hommes issus de toutes sortes de nations et venus à une même
disposition de foi, cela n'en aura pas moins lieu pour ces animaux lors de la
résurrection des justes, ainsi que nous l'avons dit ; car Dieu est riche en toutes
choses, et il faut que, lorsque le monde aura été rétabli dans son état
premier, toutes les bêtes sauvages obéissent à l'homme et lui soient soumises
et qu'elles reviennent à la première nourriture donnée par Dieu, à la manière
dont elles étaient soumises à Adam avant sa désobéissance[108] et dont elles mangeaient les
fruits de la terre[109].
Ce n'est d'ailleurs pas le moment de prouver que le lion se nourrira de paille;
mais ce trait indique bien la grandeur et l'opulence des fruits : car, si une
bête telle que le lion doit se nourrir de paille, quel ne sera pas le blé dont
la simple paille suffira à nourrir des lions !
34, 1. Isaïe lui-même annonce clairement
qu'une joie de cette sorte aura lieu à la résurrection des justes, lorsqu'il
dit : « Les morts ressusciteront, ceux qui sont dans les tombeaux se lèveront
et ceux qui sont dans la terre se réjouiront, car la rosée qui vient de
toi est pour eux une guérison[110] » Ezéchiel dit de même : «
Voici que je vais ouvrir vos tombeaux, et je vous ferai sortir de vos tombeaux,
et je vous introduirai dans la terre d'Israël. Et vous saurez que je suis le
Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux, quand je ferai sortir des tombeaux mon
peuple. Je mettrai mon Esprit en vous, et vous vivrez, et je vous établirai sur
votre terre, et vous saurez que je suis le Seigneur. » Le même prophète dit encore[111]
: «Voici ce que dit le Seigneur : Je rassemblerai Israël d'entre toutes les
nations parmi lesquelles ils ont été dispersés, et je me sanctifierai en eux
aux yeux des peuples des nations, et ils habiteront sur leur terre, que j'ai
donnée à mon serviteur Jacob. Ils y habiteront en sécurité ; ils bâtiront des
maisons et planteront des vignes ; ils habiteront en sécurité, quand
j'exercerai un jugement sur tous ceux qui les auront méprisés, sur ceux de
leurs alentours, et ils sauront que je suis le Seigneur, leur Dieu et le Dieu
de leurs pères[112]. » Or nous avons montré un peu
plus haut que c'est l'Eglise qui est la postérité d'Abraham. Et c'est pourquoi,
afin que nous sachions que tout cela se réalisera dans la Nouvelle Alliance,
qui, de toutes les nations, rassemble ceux qui sont sauvés, suscitant ainsi à
partir des pierres des fils à Abraham[113], Jérémie dit : « C'est pourquoi
voici que des jours viennent, dit le Seigneur, où l'on ne dira plus : "Le
Seigneur est vivant, lui qui a ramené les fils d'Israël de l'Egypte", mais
: "Le Seigneur est vivant, lui qui a ramené les fils d'Israël du pays du
septentrion et de toutes les contrées où ils avaient été chassés, et qui va les
rétablir sur leur terre, celle qu'il avait donnée à leurs pères[114]. »
34, 2. Que toute créature doive, selon la
volonté de Dieu, croître et parvenir à la plénitude de sa stature, pour
produire et faire mûrir de tels fruits, c'est ce que dit Isaïe : « Sur toute
haute montagne et sur toute colline élevée il y aura des cours d'eau, en ce
jour où beaucoup périront et où les tours tomberont. La lumière de la lune sera
comme la lumière du soleil, et la lumière du soleil sera septuplée, le jour où
le Seigneur portera remède à la ruine de son peuple et guérira la douleur de ta
plaie[115].»
La «douleur de la plaie», c'est celle de cette plaie dont fut frappé l'homme à
l'origine, lorsqu'il désobéit en Adam ; cette plaie, qui est la mort, Dieu la
guérira en nous ressuscitant d'entre les morts et en nous établissant dans
l'héritage des pères, selon ce que contient la bénédiction de Japhet : « Que
Dieu donne de l'espace à Japhet, et qu'il habite dans les demeures de Sem[116].
» Isaïe dit encore : « Tu mettras ta confiance dans le Seigneur, et il
t'introduira dans les biens de la terre, et il te nourrira de l'héritage de
Jacob ton père[117]. » C'est ce que dit aussi le
Seigneur : « Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera
veillant ! En vérité, je vous le dis, il se ceindra, les fera mettre à table
et, passant devant eux, les servira. S'il arrive à la veille du soir et qu'il
les trouve ainsi, heureux sont-ils, car il les fera mettre à table et les
servira; et si c'est à la deuxième ou à la troisième veille qu'il arrive,
heureux sont-ils[118]. » C'est cela même que Jean dit
aussi dans l'Apocalypse : « Heureux et saint celui qui a part à la première résurrection[119] ! » Isaïe a également
indiqué le moment où auront lieu ces événements : « Et je dis : Jusque à quand,
Seigneur ? Jusqu'à ce que les villes soient dépeuplées, faute d'habitants,
ainsi que les maisons, faute d'hommes, et que la terre soit laissée déserte.
Après cela le Seigneur éloignera les hommes, et ceux qui auront été laissés se
multiplieront sur la terre[120]. » Daniel dit de même : « Le
règne, la puissance et la grandeur des rois qui sont sous le ciel ont été
donnés aux saints du Très-Haut ; son règne est un règne éternel, et tous les
empires le serviront et lui obéiront[121]. » Et pour qu'on ne s'imagine
pas que cette promesse concerne l'époque présente, il fut dit au prophète : «
Pour toi, viens et tiens-toi dans ton héritage lors de la consommation des jours[122].
»
34, 3. Que ces promesses s'adressent non
seulement aux prophètes et aux pères, mais aux Eglises rassemblées d'entre les
gentils — à ces Églises auxquelles l'Esprit donne le nom d'«îles» parce
qu'elles se trouvent placées au milieu du tumulte, qu'elles subissent la
tempête des blasphèmes, qu'elles sont un port de salut pour ceux qui sont en
péril et un refuge pour ceux qui aiment la vérité et s'efforcent de fuir
l'abîme de l'erreur, — c'est ce que Jérémie dit en ces termes : « Nations,
écoutez la parole du Seigneur et annoncez-la dans les îles lointaines ; dites :
"Celui qui a dispersé Israël le rassemblera et le gardera comme un berger
son troupeau ; car le Seigneur a racheté Jacob, il l'a délivré de la main d'un
plus fort que lui". Ils viendront et se réjouiront sur la montagne de Sion
; ils viendront vers les biens du Seigneur, vers une terre de blé, de vin et de
fruits, de bœufs et de brebis ; leur âme sera comme un arbre fertile, et ils
n'auront plus faim désormais. Alors les jeunes filles se réjouiront dans
l'assemblée des jeunes gens, et les vieillards se réjouiront ; je changerai
leur deuil en joie, je les réjouirai. Je fortifierai et j'enivrerai l'âme des
prêtres, fils de Lévi, et mon peuple se rassasiera de mes biens[123].
» Les lévites et les prêtres, nous l'avons montré dans le livre précédent, ce
sont tous les disciples du Seigneur, qui, eux aussi, « enfreignent le sabbat
dans le Temple et ne sont pas coupables[124]». De telles promesses
signifient donc, de toute évidence, le festin que fournira cette création dans
le royaume des justes et que Dieu a promis d'y servir.
34, 4. Isaïe dit encore au sujet de
Jérusalem et de Celui qui y régnera : « Voici ce que dit le Seigneur : Heureux
celui qui a une postérité dans Sion et une parenté dans Jérusalem ! Voici qu'un
Roi juste régnera, et les princes gouverneront avec droiture[125].
» Et à propos des préparatifs de sa reconstruction il dit : « Voici que je te
prépare pour pierres de l'escarboucle et pour fondements du saphir ; je ferai
tes créneaux de jaspe, tes portes de cristal et ton enceinte de pierres
précieuses ; tous tes fils seront enseignés par le Seigneur, tes enfants seront
dans une grande paix, et tu seras édifiée dans la justice[126].
» Le même prophète dit encore : « Voici que je crée Jérusalem pour
l'allégresse, et mon peuple pour la joie. Je serai dans l'allégresse au sujet
de Jérusalem, et dans la joie au sujet de mon peuple. On n'y entendra plus
désormais le bruit des lamentations ni le bruit des clameurs ; il n'y aura plus
là d'homme frappé d'une mort prématurée, ni de vieillard qui n'accomplisse pas
son temps : car le jeune homme aura cent ans, et le pécheur qui mourra aura
cent ans et sera maudit. Ils bâtiront des maisons et eux-mêmes les habiteront ;
ils planteront des vignes et eux-mêmes en mangeront les fruits. Ils ne bâtiront
pas pour que d'autres habitent; ils ne planteront pas pour que d'autres
mangent. Car les jours de mon peuple seront comme les jours de l'arbre de vie :
ils useront les ouvrages de leurs mains[127]. »
35, 1. Si certains essaient d'entendre de
telles prophéties dans un sens allégorique, ils ne parviendront même pas à
tomber d'accord entre eux sur tous les points. D'ailleurs, ils seront
convaincus d'erreur par les textes eux-mêmes, qui disent : « Lorsque les villes
des nations seront dépeuplées, faute d'habitants, ainsi que les maisons, faute
d'hommes, et lorsque la terre sera laissée déserte...[128]
». « Car voici, dit Isaïe, que le Jour du Seigneur vient, porteur de mort,
plein de fureur et de colère, pour réduire la terre en désert et en exterminer
les pécheurs[129]. » Il dit encore : « Que
l'impie soit enlevé, pour ne point voir la gloire du Seigneur[130]
! » « Et après » que « cela » aura eu lieu, « Dieu, dit-il, éloignera les
hommes, et ceux qui auront été laissés se multiplieront sur la terre[131].
» « Ils bâtiront des maisons et eux-mêmes les habiteront; ils planteront des
vignes et eux-mêmes en mangeront[132]. » Toutes les prophéties de ce
genre se rapportent sans conteste à la résurrection des justes, qui aura lieu
après l'avènement de l'Antéchrist et l'anéantissement des nations soumises à
son autorité : alors les justes régneront sur la terre, croissant à la suite de
l'apparition du Seigneur ; ils s'accoutumeront, grâce à lui, à saisir la gloire
du Père et, dans ce royaume, ils accéderont au commerce des saints anges ainsi
qu'à la communion et à l'union avec les réalités spirituelles. Et tous ceux que
le Seigneur trouvera en leur chair, l'attendant des cieux après avoir enduré la
tribulation et avoir échappé aux mains de l'Impie, ce sont ceux dont le
prophète a dit : « Et ceux qui auront été laissés se multiplieront sur la terre[133].
» Ces derniers sont aussi tous ceux d'entre les païens que Dieu préparera
d'avance pour que, après avoir été laissés, ils se multiplient sur la terre,
soient gouvernés par les saints et servent à Jérusalem.
Plus clairement encore, au sujet de
Jérusalem et du royaume qui y sera établi, le prophète Jérémie a déclaré : «
Regarde vers l'Orient, ô Jérusalem, et vois la joie qui te vient de la part de
Dieu. Voici qu'ils viennent, tes fils que tu avais congédiés, ils viennent,
rassemblés de l'Orient à l'Occident par la parole du Saint, se réjouissant de
la gloire de Dieu. Quitte, Jérusalem, la robe de ton deuil et de ton
affliction, et revêts pour toujours la parure de la gloire venant de ton Dieu.
Enveloppe-toi du manteau de la justice venant de Dieu ; mets sur ta tête le
diadème de la gloire éternelle. Car Dieu montrera ta splendeur à toute la terre
qui est sous le ciel. Car ton nom te sera donné par Dieu pour jamais :
"Paix de la justice" et "Gloire de la piété". Lève-toi,
Jérusalem, tiens-toi sur la hauteur, et regarde vers l'Orient ; et vois tes
fils rassemblés du couchant au levant par la parole du Saint, se réjouissant de
ce que Dieu s'est souvenu d'eux. Ils t'avaient quittée à pied, emmenés par les
ennemis ; Dieu te les ramène portés avec honneur, comme un trône royal. Car
Dieu a ordonné de s'abaisser à toute montagne élevée et aux collines
éternelles, et aux vallées de se combler pour aplanir la terre, afin qu'Israël
marche en sécurité sous la gloire de Dieu. Les forêts et tous les arbres
odoriférants ont prêté leur ombre à Israël par ordre de Dieu. Car Dieu conduira
Israël avec joie à la lumière de sa gloire, avec la miséricorde et la justice
qui viennent de lui-même[134]. »
35, 2. Ces événements ne sauraient se
situer dans les lieux supra célestes — « car Dieu, vient de dire le prophète,
montrera ta splendeur à toute la terre qui est sous le ciel[135]
», — mais ils se produiront aux temps du royaume, lorsque la terre aura été
renouvelée par le Christ et que Jérusalem aura été rebâtie sur le modèle de la
Jérusalem d'en haut.
C'est au sujet de celle-ci que le prophète
Isaïe a dit : « Voici que sur mes mains j'ai peint tes murs, et tu es sans
cesse devant mes yeux[136]. » L'Apôtre dit pareillement
aux Galates : « Mais la Jérusalem d'en haut est libre, et c'est elle qui est
notre Mère[137] » : il ne dit pas cela de l'Enthymésis d'un Eon égaré, ni d'une Puissance séparée du
Plérôme et dénommée Prounikos, mais de la Jérusalem
peinte sur les mains de Dieu.
C'est aussi cette dernière que, dans
l'Apocalypse, Jean a vue descendre sur la terre nouvelle. Car, après les temps
du royaume, «je vis, dit-il, un grand trône blanc et Celui qui y était assis ;
de devant sa face le ciel et la terre s'enfuirent, et il ne se trouva plus de
place pour eux[138].
» Il décrit alors en détail la résurrection et le jugement universels : «Je
vis, dit-il, les morts, les grands et les petits. Car la mort rendit les morts
qui se trouvaient en elle; la mort et l'enfer rendirent ceux qui étaient en
eux. Des livres furent ouverts. On ouvrit aussi le livre de vie, et les morts
furent jugés, d'après ce qui était écrit dans ces livres, selon leurs œuvres.
Puis la mort et l'enfer furent jetés dans l'étang de feu : cet étang de feu,
c'est la seconde mort[139]. » C'est ce qu'on appelle la
Géhenne, dite aussi « feu éternel[140] » par le Seigneur. « Et
quiconque, dit Jean, ne fut pas trouvé inscrit dans le livre de vie fut jeté
dans l'étang de feu[141]. » Il dit ensuite : « Et je vis
un ciel nouveau et une terre nouvelle ; car le premier ciel et la première
terre s'en étaient allés, et la mer n'était plus. Et je vis la cité sainte, la
Jérusalem nouvelle, descendre du ciel, d'auprès de Dieu, apprêtée comme une
fiancée parée pour son époux. Et j'entendis une grande voix, sortant du trône,
qui disait : "Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes : il habitera
avec eux, et ils seront ses peuples ; Dieu lui-même sera avec eux et sera leur
Dieu. Et il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il
n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses s'en sont allées[142]".
» Isaïe l'avait déjà dit : «Ce sera le ciel nouveau et la terre nouvelle ; on
ne se souviendra plus des premières choses et elles ne reviendront plus à
l'esprit ; mais on trouvera joie et allégresse dans cette terre nouvelle[143].
» C'est ce que dit l'Apôtre : « Car elle passe, la figure de ce monde[144].
» Et le Seigneur dit pareillement : « Le ciel et la terre passeront[145].
» Quand donc ces choses auront passé, nous dit Jean, le disciple du Seigneur,
sur la terre nouvelle descendra la Jérusalem d'en haut, telle une fiancée parée
pour son époux, et c'est elle qui sera le tabernacle de Dieu, en lequel Dieu
habitera avec les hommes. C'est de cette Jérusalem-là que sera l'image la
Jérusalem de la première terre, où les justes s'exerceront à l'incorruptibilité
et se prépareront au salut, comme c'est aussi de ce tabernacle-là que Moïse a
reçu le modèle sur la montagne[146].
Et rien de tout cela ne peut s'entendre
allégoriquement, mais au contraire tout est
ferme, vrai, possédant une existence authentique,
réalisé par Dieu pour la jouissance des hommes justes. Car, de même qu'est
réellement Dieu Celui qui ressuscitera l'homme, c'est réellement aussi que
l'homme ressuscitera d'entre les morts, et non allégoriquement, ainsi que nous
l'avons abondamment montré. Et de même qu'il ressuscitera réellement,
c'est réellement aussi qu'il s'exercera à
l'incorruptibilité, qu'il croîtra et qu'il parviendra à
la plénitude de sa vigueur aux temps du royaume,
jusqu'à devenir capable de saisir la gloire du Père. Puis, quand toutes choses
auront été renouvelées, c'est réellement qu'il habitera la cité de Dieu.
Car, dit Jean, « Celui qui était assis sur le trône dit : Voici que je
fais toutes choses nouvelles. Et il ajouta : Ecris, car ces paroles sont sûres
et véridiques. Et il me dit : C'est fait[147] ! »
36, 1. …car, puisque réels sont les
hommes, réel doit être aussi le transfert qui les affectera, étant toutefois
admis qu'ils ne s'en iront pas au néant, mais progresseront
au contraire dans l'être. Car ni la
substance ni la matière de la création ne seront anéanties — véridique et
stable est Celui qui l'a établie, — mais « la figure de ce monde passera[148]»,
c'est-à-dire les choses en lesquelles la transgression a eu lieu : car l'homme
a vieilli en elles. Voilà pourquoi cette « figure » a été créée temporelle,
Dieu sachant d'avance toutes choses, comme nous l'avons montré dans le livre
précédent, là où nous avons expliqué dans la mesure du possible le pourquoi de
la création d'un monde temporel. Mais lorsque cette « figure » aura passé, que
l'homme aura été renouvelé, qu'il sera mûr pour l'incorruptibilité au point de
ne plus pouvoir vieillir, « ce sera alors le ciel nouveau et la terre nouvelle[149] », en lesquels
l'homme nouveau demeurera, conversant avec
Dieu d'une manière toujours nouvelle. Que cela
doive durer toujours et sans fin, Isaïe le
dit en ces termes : « Comme le ciel nouveau et la terre nouvelle que je
vais créer subsisteront devant moi, dit le Seigneur, ainsi subsisteront votre
postérité et votre nom[150].
»
Et, comme le disent les presbytres, c'est alors que ceux qui auront été
jugés dignes du séjour du ciel y pénétreront, tandis que d'autres jouiront des
délices du paradis, et que d'autres encore posséderont la splendeur de la cité
; mais partout Dieu sera vu, dans la mesure où ceux qui le verront en seront
dignes.
36, 2. Telle sera la différence
d'habitation entre ceux qui auront produit cent pour un, soixante pour un,
trente pour un[151] : les premiers seront enlevés
aux cieux, les seconds séjourneront dans le paradis, les troisièmes habiteront
la cité : c'est la raison pour laquelle le Seigneur a dit qu'il y avait de
nombreuses demeures chez son Père[152]. Car tout appartient à Dieu, qui
procure à chacun l'habitation qui lui convient : comme le dit son Verbe, le
Père partage à tous selon que chacun en est ou en sera digne. C'est là la salle
du festin en laquelle prendront place et se régaleront les invités aux noces[153].
Tels sont, au dire des presbytres,
disciples des apôtres, l'ordre et le rythme que suivront ceux qui sont sauvés,
ainsi que les degrés par lesquels ils progresseront : par l'Esprit ils
monteront au Fils, puis par le Fils ils monteront au Père, lorsque le Fils cédera
son œuvre au Père, selon ce qui a été dit par l'Apôtre : « Il faut qu'il règne,
jusqu'à ce que Dieu ait mis tous ses ennemis sous ses pieds : le dernier ennemi
qui sera anéanti, c'est la mort[154]. » Aux temps du royaume, en
effet, l'homme, vivant en juste sur la terre, publiera de mourir. « Mais,
poursuit l'Apôtre, lorsque l'Écriture dit que tout lui a été soumis, il est
clair que c'est en exceptant Celui qui lui a soumis toutes choses. Et quand
toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à
Celui qui lui aura soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous[155].
»
36, 3. Ainsi donc, de façon précise, Jean
a vu par avance la première résurrection[156], qui est celle des justes, et
l'héritage de la terre qui doit se réaliser dans le royaume ; de leur côté, en
plein accord avec Jean, les prophètes avaient déjà prophétisé sur cette
résurrection. C'est exactement cela que le Seigneur a enseigné lui aussi, quand
il a promis de boire le mélange nouveau de la coupe avec ses disciples dans le
royaume[157],
et encore lorsqu'il a dit : « Des jours viennent où les morts qui sont dans les
tombeaux entendront la voix du Fils de l'homme, et ils ressusciteront, ceux qui
auront fait le bien pour une résurrection de vie, et ceux qui auront fait le
mal pour une résurrection de jugement[158]» : il dit par là que ceux qui
auront fait le bien ressusciteront les premiers pour aller vers le repos, et
qu'ensuite ressusciteront ceux qui doivent être jugés. C'est ce qu'on trouve
déjà dans le livre de la Genèse, d'après lequel la consommation de ce siècle
aura lieu le sixième jour[159], c'est-à-dire la six millième
année; puis ce sera le septième jour, jour du repos, au sujet duquel David
dit : « C'est là mon repos, les justes y entreront[160] » : ce septième jour est le
septième millénaire[161],
celui du royaume des justes, dans lequel ils s'exerceront à
l'incorruptibilité, après qu'aura été renouvelée la création pour ceux qui
auront été gardés dans ce but. C'est ce que confesse l'apôtre Paul, lorsqu'il
dit que la création sera libérée de l'esclavage de la corruption pour avoir
part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu[162].
Et en tout cela et à travers tout cela apparaît un seul et même Dieu Père :
c'est lui qui a modelé l'homme et promis aux pères l'héritage de la terre ;
c'est lui qui le donnera lors de la résurrection des justes et réalisera ses
promesses dans le royaume de son Fils ; c'est lui enfin qui accordera, selon sa
paternité, ces biens que l'œil n'a pas vus, que l'oreille n'a pas entendus et
qui ne sont pas montés au cœur de l'homme. Il n'y a en effet qu'un seul Fils,
qui a accompli la volonté du Père, et qu'un seul genre humain, en lequel
s'accomplissent les mystères de Dieu. Ces mystères, «les anges aspirent à les contempler»,
mais ils ne peuvent scruter la Sagesse de Dieu, par l'action de laquelle
l'ouvrage par lui modelé est rendu conforme et concorporel
au Fils : car Dieu a voulu que sa Progéniture, le Verbe premier-né, descende
vers la créature, c'est-à-dire vers l'ouvrage modelé, et soit saisie par elle,
et que la créature à son tour saisisse le Verbe et monte vers lui, dépassant
ainsi les anges et devenant à l'image et à la ressemblance de Dieu.
FIN
[1] II Thess., II, 3-4.
[2] Matth., XXIV, 15-17, 21.
[3] Cf. Daniel, VII, 7-8.
[4] Daniel, VII, 8, 20-22.
[5] Daniel, VII,
23-25.
[6] II Thessaloniciens, II, 8-12.
[7] S. Jean, V,
43.
[8] Cf. S. Luc,
XVIII, 6.
[9] S. Luc, XVIII,
2.
[10] Cf. S. Luc,
XVIII, 3.
[11] Daniel, VIII, 11-12.
[12] Daniel, VIII, 23-25.
[13] Daniel, IX, 27.
[14] S. Matthieu, XXIV, 15.
[15] Cf. S. Luc, I, 26 s.
[16] Apocalypse,
XVII, 12-14.
[17] S. Matthieu,
XII, 25.
[18] Daniel, II,
33-34.
[19] Daniel, II, 41-42.
[20] Daniel, II, 42-43.
[21] Daniel, II, 44-45.
[22] S. Luc, XIV,
14. – Cf. les Actes des Apôtres de l’Évangéliste
S. Luc, I, 6.
[23] Daniel, II,
44.
[24] Cf. S.
Matthieu, XXV, 41.
[25] Cf. S.
Matthieu, XXV, 41.
[26] S. Matthieu,
X, 35.
[27] Cf. S. Luc,
XVII, 34-35.
[28] Cf. S.
Matthieu, XIII, 30.
[29] Cf. S.
Matthieu, XXV, 33-34 et 41.
[30] S. Luc, II,
34.
[31] Cf. S. Luc,
X, 12.
[32] Cf. S.
Matthieu, VII, 21.
[33] S. Matthieu,
V, 45.
[34] S. Jean, III,
18.
[35] S. Jean, III,
18.
[36] S. Jean, III,
19-21.
[37] Cf. S.
Matthieu, XXV, 34 et 41.
[38] Cf. II Thessaloniciens, II, 10-12.
[39] Cf. II Thessaloniciens, II, 4.
[40] Cf.
Apocalypse, XIX, 20.
[41] II Thessaloniciens, II, 11-12.
[42] Apocalypse,
XIII, 2-10.
[43] Apocalypse,
XIII, 11-14.
[44] Apocalypse,
XIII, 14-18.
[45] Genèse, II,
1-2.
[46] II S. Pierre,
III, 8.
[47] Cf. Genèse,
II, 7.
[48] Cf. Psaumes,
CXVIII, 73. Job, X, 8.
[49] Cf. Genèse, I, 26.
[50] Cf. S.
Matthieu, III, 12. S. Luc, III, 17.
[51] Ignace
d’Antioche, Romains, IV, 1.
[52] Cf. Isaïe,
XL, 15 et 17.
[53] S. Matthieu,
XXIV, 21.
[54] Cf.
Apocalypse, XIX, 20.
[55] Cf.
Apocalypse, XIII, 18.
[56] Cf. Genèse,
VI, 1 s.
[57] Cf. Genèse,
VII, 6.
[58] Cf. Genèse,
IV, 23.
[59] Cf. Genèse,
IV, 1.
[60] Cf. Daniel,
III, 1.
[61] Cf.
Apocalypse, XIII, 18.
[62] S. Matthieu,
XXIV, 15. Daniel, IX, 27.
[63] I Thessaloniciens, V, 3.
[64] Jérémie,
VIII, 16.
[65] Cf.
Apocalypse, VII, 5-8.
[66] Apocalypse,
XVII, 8.
[67] Cf. S.
Matthieu, XVI, 27. S. Marc, XIII, 26.
[68] Cf.
Apocalypse, XIX, 20.
[69] Cf. Genèse,
II, 2-3.
[70] S. Matthieu,
VIII, 11.
[71] Ps.-Jér.
[72] S. Matthieu,
XII, 40.
[73] Ephésiens,
IV, 9.
[74] Psaumes,
LXXXV, 13.
[75] S. Jean, XX,
17.
[76] Cf. Colossiens, I, 18.
[77] Cf.
Éphésiens, IV, 9.
[78] Cf. S. Jean,
XX, 25 et 27.
[79] Psaumes,
XXII, 4.
[80] S. Luc, VI,
40.
[81] Cf. S. Luc,
XIV, 14.
[82] Romains,
VIII, 19-21.
[83] Genèse, XIII,
14-15.
[84] Genèse, XIII,
17.
[85] Cf. Actes (de
l’Évangéliste S. Luc), VII, 5.
[86] Genèse,
XXIII, 4.
[87] Cf. Genèse,
XXIII, 3-20.
[88] Genèse, XV,
18.
[89] Cf. Genèse,
XV, 19-21.
[90] S. Matthieu,
III, 9. S. Luc, III, 8.
[91] Galates, IV,
28.
[92] Galates, III,
16.
[93] Galates, III,
6-9.
[94] S. Matthieu,
V, 5.
[95] S. Matthieu,
XXVI, 27-29.
[96] Psaumes,
CIII, 30.
[97] S. Luc,
XIV, 12-13.
[98] S. Matthieu,
XIX, 29. S. Luc, XVIII, 29-30.
[99] Cf. Genèse,
II, 2-3.
[100] Genèse,
XXVII, 27.
[101] Cf. S.
Matthieu, XIII, 38.
[102] Genèse,
XXVII, 28-29.
[103] Genèse,
XXVII, 28-31.
[104] Genèse,
XXVII, 32-33.
[105] Genèse,
XXVII, 46-47.
[106] Isaïe, XI, 6-9.
[107] Isaïe, LXV, 25.
[108] Cf. Genèse, I, 26-28.
[109] Cf. Genèse, I, 30.
[110] Isaïe, XXVI, 19.
[111] Ézéchiel, XXXVII, 12-14.
[112] Ézéchiel, XXVIII, 25-26.
[113] Cf. S. Matthieu, III, 9. S. Luc, III, 8.
[114] Jérémie,
XVI, 14-15 ; XXIII, 7-8.
[115] Isaïe, XXX,
25-26.
[116] Genèse, IX,
27.
[117] Isaïe,
LVIII, 14.
[118] S. Luc, XII,
37-38.
[119] Apocalypse,
XX, 6.
[120] Isaïe, VI, 11-12.
[121] Daniel, VII, 27.
[122] Daniel, XII, 13.
[123] Jérémie,
XXXI, 10-14.
[124] S. Matthieu,
XII, 5.
[125] Isaïe,
XXXII, 1.
[126] Isaïe, LIV,
11-14.
[127] Isaïe, LXV,
18-22.
[128] Isaïe, VI,
11.
[129] Isaïe, XIII,
9.
[130] Isaïe, XXVI,
10.
[131] Isaïe, VI,
12.
[132] Isaïe, LXV,
21.
[133] Isaïe, VI,
12.
[134] Baruch, IV, 38 ; V, 9.
[135] Baruch, V, 3.
[136] Isaïe, XLIX, 16.
[137] Galates, IV, 26.
[138] Apocalypse, XX, 11.
[139] Apocalypse, XX, 12-14.
[140] Cf. S. Matthieu, XXV, 41.
[141] Apocalypse, XX, 15.
[142] Apocalypse, XXI, 1-4.
[143] Isaïe, LXV, 17-18.
[144] I Corinthiens, VII, 31.
[145] S. Matthieu,
XXVI, 35.
[146] Exode, XXV,
40. Hébreux, VIII, 5.
[147] Apocalypse, XXI, 5-6.
[148] I Corinthiens, V, 31.
[149] Isaïe, LXV, 17.
[150] Isaïe, LXVI, 22.
[151] Cf. S. Matthieu, XIII, 8.
[152] Cf. S. Jean,
XIV, 2.
[153] Cf. S.
Matthieu, XXII, 1-14.
[154] I Corinthiens, XV, 25-26.
[155] I Corinthiens, XV, 27-28.
[156] Cf. Apocalypse, XX,
5-6.
[157] Cf. S.
Matthieu, XXVI, 29.
[158] S. Jean, V,
25, 28-29.
[159] Cf. Genèse, I, 31 ; II, 1.
[160] Psaumes, CXXXI, 14 ; CXVII, 20.
[161] Apocalypse,
XX, 4-6.
[162] Cf. Romains,
VIII, 19-21.